servir de base à leurs raisonnemens. Voilà pourquoi cette histoire est
à la fois si pauvre et si remplie de contradictions et de doubles emplois.
Ici, comme dans nos chapitres précédens, nous tâcherons de lui
fournir quelques-unes des bases qni lui manquent,. en décrivant
avec précision les faits observés par nous-mêmes, en. les comparant
h ceux qu’ont publiés des observateurs exacts , et en cherchant ,
d’après ces données, à démêler ce que signifient les indications vagues
des pêcheurs et des navigateurs , mais en nous gardant bien
d’accorder jamais assez d’importance à ces indications pour établir
sur elles seules des espèces, et encore moins des genres et des sous-
genres, comme l’ont fait des naturalistes plus hardis que nous ne
le serons jamais.
Il nous seroit en effet bien facile, en profitant de figurés grossières
faites d’imagination ou de souvenir, et de descriptions confuses ou
tronquées, et en accumulant des synonymes qui ne sont que des
copies les uns des autres, de faire paraître de longues listes d’espèces
qui n’anroient aucune réalité, et que le moindre souffle de la critique
renverserait ou mettrait en désordre ; mais c’est précisément la conduite
contraire qu’il est, selon nous, nécessaire de tenir, si l’on
veut tirer l’histoire naturelle du chaos où elle est encore.
Une des causes qui ont le plus contribué à embrouiller l’histoire
des cétacés, vient de ce que les peuples du nord, chez qui on a dû
en recueillir le plus de notions / attendu que c’est dans leurs parages
qu’ils sont le plus multipliés, les désignent tous par un même nom
générique, watt en allemand, whale en anglais, huval en suédois et
en danois, quai en norvégien, hwalure en islandais. Ce mot, qui
n’est probablement pas sans quelque rapport avec ceux de (panama
et de baloena, a presque toujours été rendu dans les traductions
françaises par celui de baleine, même lorsqu’il ne signifioit que de
simples dauphins, et a induit dans les plus graves erreurs les naturalistes
qui n’ont pas connu toute l’étendue de ses acceptions (i).
(1) Ce mot de wa l, apporté par les Normands , fut usité suç nos côtés dans le moyen âge.
M. l’abbé de la Rue, professeur d’histoire à la fàculté des lettrés'de Caen , ‘et Fim'de nos
-$avans'les plus profonds dans les antiquités nationales, m’a communiqué des extraits de
Après cette observation préliminaire nous passons à l’histoire des
cétacés ou des watts munis de dents aux deux mâchoires, c’est-à-dire
du genre auquel les naturalistes modernes appliquent particulièrement
le nom de dauphins.
A r TI C L É PRE MIE B.
Détermination des espèces de dauphins.
La tête osseuse des dauphins varie par le plus ou moins de longueur
et de largeur du museau, et ceux dont le museau est large
ont la tête ronde ou , comme on a d it, enfo rm e de chaloupe (bien
entendu de chaloupe renversée) , c’est-à-dire que la ligne du profil
descend par une convexité uniforme jusqu’au bout du museau; ceux
à museau grêle ont au contraire au bas de cette convexité une partie
plane qui forme comme une espece de bec. On a tire de cette conformation
des caractères propres à diviser ce genre en deux petites
tribus ou sous-genres.
§ 1. L es dauphins à bec.
L ’espèce de dauphin à bec, la plus commune le long de nos côtes
delphinus delphis L .) , a été nommée o je de mer par nos matelots,
précisément à cause de cette forme de museau; et c est celle
que les naturalistes ont cru reconnoître pour le dauphin des anciens.
différentes chartes du onzième siècle, où il est question d’une association de pêcheurs de
baleinés qui se nommoit societas ou communia •walmannorum.
Les cétacés sont aussi désignés dans ces cbartes par les noms de crassus piscis, de grassus
pssius, gras peisius, et en général de pisces ad lardum. Il paroît, d’après l’importance
que l’on y mettoit et les prix qui en sont rapportés * que la valeur en était plus élevée alors
qu’aujoürd’hui; la chair's’en mangeoit communément, et s’amenoit en quantité jusqu’à
Paris. Voyez à ce sujet l’Hist. de la vie privée des Français par Legrand, Daussi, t. II,
p. 68, et l’Hist. des Pêches de Noël de la Morini'ere, p. 228 et suiv. ; mais on ne sait
pourquoi Noël veut réduire les walmans à la pêche des marsouins.
De crassus piscis sont venus le français gras pois et l’anglais grampus ; graspois a longtemps
signifié le lard de cétacé en général.
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