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Cependant la matière n’est pas encore épuisée, et il me reste à
ajouter à ce qup'j’ avois dit lors de mon premier travail, des observations
assez curieusessur la composition de la tête, principalement
dans 1 e paresseux à collier (Schreber, Mammifères* pl. LX IV , A),
car cette espèce, bien que voisine à beaucoup d’égards de l’a ï, en
est cependant distincte par des caractères constans , non-seulement
à l’extérieur mais jusque dans l’ostéologie de sa tête.
Il me reste surtout à faire connoître la véritable construction de
l’épaule de l’aï, que je n’avois pu décrire d’après des squelettes incomplets,
et qui est d’autant plus intéressante quelle explique parfaitement
la construction encore plus singulière de l’épaule du mégathérium.
Buffon, après avoir peint avec éloquence et peut-être avec un
peu d’exagération l’état misérable où les paresseux sont .retenus par
leur organisation même, dit que.« tout en eux nous rappelle ces
» monstres par défaut, ces ébauches imparfaites mille fois projetées,
» exécutées par la nature, qui, ayant à peine la faculté d’exister,
s n'ont dû subsister qu’un temps,, et ont été depuis effacées de la
» liste des êtres. »,
Èn les considérant sous un autre point de vue, on leur trouve si
peu de rapports avec les animaux ordinaires ; les lois générales des
organisations aujourd’hui existantes s ’appliquent si peu à la leur., les
différentes parties de leur corps semblent tellement en contradiction
avec les règles de co-existence que nous trouvons établies dans tout
le règne animal, que l’on pourroit réellement croire qu’ils sont les
restes d’ un autre ordre de choses, les débris vivans de cette nature
précédente dont nous sommes obligés de chercher les autres ruines
dans l’intérieur de la terre, et qu’ils ont échappé par quelque miracle
aux catastrophes qui détruisirent les espèces leurs contemporaines.
Ï1 n’y a peut-être que le seul éléphant parmi les mammifères, du
moins si l'on ne compte pas les monotrèmes dans,ce nombre, qui
s’écarte autant que les paresseux du plan général de la nature dans
Ja formation de cette classe : encore les écarts que l’on y remarque
correspondent-ils l’un à l’autre de manière à corriger réciproquement
leurs mauvais effets, et à produire un ensemble concordant ; mais
dans les paresseux chaque singularité d’organisation semble n’avoir
pour résultat que la foiblesse et l’imperfection,- et les incommodités1
qu’elle apporte à l’animal ne sont compensées par aucun avantage.
Comme l’ordre dans lequel nous décrivons chaque ostéologie
n’est pas très-important dans le plan général de notre travail, nous
allons considérer celle des paresseux par rapport à ses singularités et
surtout par rapport à leurs effets, dans les mouvemens de ces animaux
et dans toute leur économie. Ce sera peut-être un moyen de
diminuer la sécheresse des détails dans lesquels notre sujet nous
force de traîner le lecteur.
I. Particularités dans Vorganisation du squelette quica usen t la
lenteur et la fo ib lesse des paresseux*
io. Proportions générales.
Le seul aspect du squelette de l’ai (pl. IY ) indique des proportions
en quelque sorte manquées. Le bras et l’avant-bras pris ensemble
sont presque deux fois aussi longs que la cuisse et la jambe , de manière
que quand l’animal veut marcher à quatre, il est obligé de se
traîner sur les coudes, et quand il èst debout sur les talons’, sa main
toute' entière peut encore appuyer sur la terre. Il n’y a que quelques
singes qui approchent de cette disproportion ; mais ils se tiennent
souvent debout, ou marchent à l’aide d’un bâton : c’est ce que
l’aï ne peut pas faire, parce que ses pieds de derrière sont si mal
articulés qu’ils ne peuvent le soutenir, comme nous le verrons. Son
bassin est de plus si large; et ses cavités cotyloïdes si tournées en
arrière, qu’il ne peut rapprocher les genoux, et qu’il est forcé de
tenir ses cuisses écartées.
L 'unau a des proportions un peu plus favorables. Ses bras et
ses avant-bras pris ensemble ne sont à ses cuisses et à ses jambes que
comme six à cinq.
T. Y. io