Cherchons donc à voir par nous-mêmes ce que nous pourrons y
reconnoître.
Deux assez bonnes figures de ce fossile ont déjà été publiées; la
première, dansles Mémoires d e l’Académie de Lausanne, tom, III,
pag. S i, où elle a voit été envoyée par M. W ild ; la seconde, qui
représente la contre-épreuve, dans ceux de la S ociété des naturalistes
de Souabe, où elle accompagne le Mémoire de M. Karg.
C’est celle-ci que nous avons fait copier à moitié grandeur, pl. I I I ,
fig. 18, en y ajoutant, fig. 145 la tête, et fig. i 5 , le fémur, tous
deux de grandeur naturelle, d’après la figure de Wild.
Depuis ma première édition j’ai vu dans le portefeuille de M. B lu-
menbach, une troisième figure de ce même fossile et celle d’un
autre individu qui, d’après sa grandeur, pourroit être de la même
espèce, faites l’une et l’autre par Schellenberg, en 1 y83. J’en ai aussi
observé moi-même et fait dessiner sous mes yeux au Museum britannique
un troisième individu, provenant de la collection de feu
le docteur Lavater. Il y en aussi dans le cabinet de Carlsruhe un
individu mieux conservé peut-être que tous les autres, et où l’on
pourroit encore découvrir plusieurs os fort distinctifs. Je l ’ai vu en
i8 r i , mais je n’ai pu ni le travailler ni le dessiner; c’est une tâche,
que j’invite les naturalistes chargés de ce cabinet, à vouloir bien
remplir.
Toutes ces figures, tous ces échantillons montrent des traces de
dents qui marquent un rongeur, sans aucune équivoque. Les
grandes incisives arquées, les molaires composées de lames y pa-
roissent bien exprimées.
Si c’étoit un putois ou tout autre carnassier, il seroit bien extraordinaire
que ses fortes canines et ses molaires tranchantes n’eussent
point laissé de vestiges.
J’adopte donc l ’avis exprimé par M. Llum enbach, dans son A r -
choeologia tellu ris, que c’est ici un rongeur ( sc a i pris dentatwn).
Mais lorsqu’il dit ailleurs que e’est une espèce déterminable, tout
en ajoutant que c’est un rat d’eau ou quelque animal sem blable,
je pense que ce savant professeur va un peu trop loin.
Ce n’est d’àbord point le rat d’eau; car la grandeur du squelette
fossile est de près d’un quart supérieure à celle de nos plus forts rats
d'eau , et surpasse aussi plus où moins celle: du rat commun et’du
surmulot. Je ne trouve dans le genre des rats proprement dits, à
dents molaires simplement échancrées par les bords, que le rat de
Java, appelé p ercha i par Budon, que l’on puisse comparer à celui-
ci pour la grandeur; mais le fossile montre véritablement plusieurs
caractères qui -se trouvent dans le sous-genre auquel appartient le
rat d’eau, et non pas dans celai où se rangent le surm ulot, le rat
commun et le perchai. D’abord il a , nomme le rat d’ea u , des molaires
composées de lames -parallèles;*ensuite la forme de son fémur,
et sürtOut'Ia' position très-basse de son troisième trochanter, confirment
ce que les restes dé ses molaires annoncent; car tout le sous-
genre des campagnols, parmi lesquels se place le rat d ’ea u , a ce
trochanter plus bas que les autres rats^mais aucun diescampagtnols
que nous connoissohs n’est plus grand qùe le ra i d’eau. L epiloris
des Antilles qui le surpasse de beaucoup n’appartient pas à ce sous-
genre, mais à celui des rats ordinaires, ainsi que j’ai pu m’en assurer
sur plusieurs'échantillons qui viennent de nous être envoyés de la
Martinique par M. Plée (ij).
Si nous passons maintenant aux autres rongeurs, nous ne trouverons
que les cabiais et les ondatras, auxquels les deux caractères
que nous avons déterminés dans le squelette fossile puissent
convenir et qui soient à peu près de la taille convenable, Il est
inutile de penser à ün petit lapin, qui auroit les membres bien plus
élancés.
Ce résultat montre que la détermination faite par M. Jea n Gesner
étoit encore la plus probable de toutes; mais, si elle étoit vraie, elle
prouveroit déjà combien l’on se trompe en faisant venir du canton
('»•) C’est une chose assez-singulière que ce ra t, dont on. parle, depuis si long-temps, n’ait
pointèncore été décrit correctement^ n’ait- jamais été représenté. Sa taille ne cède qu’au mus
gjganléus. 'Il est long de i 3 à 14 pouces,. sans la queue qui en a 16. Jl a les formes du surmulot.
Son poil.est .grossier,.d’un, beau noir foncé, tirant sur le puce en dessus, blanchâtre
au bout du museau et partout en dessous. Ces quatre pattes sont grisçs et la queue noirâtre.