A r t i c l e II.
D es espèces nominales du p etit lamantin des A n tilles et du
lamantin des Grandes-Indes.
C’est Buffon qui a établi ces deux espèces dans ses Suppléinens
(édit. in-4° . , t. V I , p. 383 et suiv. ).
Ilne donne point d’autres motifs pour distinguer le lamantin des
Grandes-Indes, sinon que les lamantins ne pouvant traverser la
haute mer, il faut bien que l’espèce des Indes soit différente de celle
d’Amérique ; mais la vérité est, comme nous l’avons dit, qu’il n’y a
dans les Indes de lamantin d’aucune sorte, et que les voyageurs qui
en placent dans les mers orientales ne paroissent y avoir vu que le
dugong; tel est surtout et évidemment Léguât.
Quant au petit lamantin des Antilles, on ne peut concevoir par
quel arrangement singulier d’idées Buffon s’ est composé cette espèce
imaginaire. Il lui donne pour caractère de manquer tout-à-fait de
dents (1); mais lui-même n’avoit point vu de lamantin sans dents;
les voyageurs qui refusent des dents aux lamantins, les leur refusent
en général, parce qu’ils n’ont examiné que la partie antérieure
des mâchoires, mais aucun d’eux n’a prétendu faire de ce
défaut de dents un caractère spécifique.
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D u lamantin du Sénégal.
Les voyageurs ont observé des lamantins dans presque toutes les
rivières de la côte occidentale de l’A frique, et les ont décrits, tantôt
sous ce nom-là , tantôt sous celui de vache marine, de sirène, de
poisson-femme, etc.; mais ils ne nous ont donné aucun moyen de
les distinguer de ceux d’Amérique. 1
(1) Buffon, ib ., p. 4°3,
20k 3a
C’est fort gratuitement que Buffon les différencie (1), en ce qu ils
ont des dents molaires et quelques poils sur le corps, tandis que les
prétendus petits lamantins des Antilles n’auroient ni les uns ni les
autres ; nous venons de voir qu’il n’existe point aux Antilles de lamantin
dépourvu de ces deux caractères.
M. Shaw a fort exagéré la première de çes différences (2), en appelant
le lamantin du Sénégal trichecus pilosus, et celui de la
Guyane trichecus subpilosus. Adanson dit au contraire expressément
dé celui du Sénégal, « les 'poils sont très-rares sur tout le
» corps (3). » Quant à la figure de M. Shaw, qui est empruntée de
Pennant (édit, de 1793, I I , 396), et faite d’après un individu du
muséum de Lever, elle offre à la vérité une queue fort différente de
celle des autres lamantins, e t Comme divisée par des stries, à la manière
de celles des poissons; mais je ne doute pas qu’une organisation
aussi singulière ne résulte du mauvais état de -1 échantillon ; autrement
elle n’àuroit pu manquer de frapper Pennant, et il en auroit
dit quelque chose dans sa description.
Je ne vois donc de différence sensible entre le lamantin de 1 Amérique
et celui de l’Afrique que dans la forme de la tête ; et comme
Daubenton n’avoit eu qu’une tète du Sénégal, il n’avoit pu la comparer
à l’autre.
Nous la dessinons de deux côtes, fig. 2 et 3, et nous plaçons auprès
celle d’Amérique, fig. 4 et 1| est aise de voir que ces deux
têtes diffèrent par les points suivans :
i». La tête d’Amérique est plus allongée à proportion de sa
largeur ;
2°. Cet allongement appartient principalement au museau et aux
narines; , . i
3°. La fosse nazale est trois fois plus longue que large dans le
lamantin d’Amérique. Sa largeur fait les trois quarts de sa longueur
dans celui du Sénégal ; 1 2 3
(1) Suppt., Y I , p. 4<>5.
(2) Gener. Z o o l., I , part. I , p. ^44 et 245-
(3) Apud Buffon, XIII ; in-4°- > P- 3go.