En effet, elle ressemble assez aux figures fie dauphin qu’offrent les
médailles et les autres monumeris; mais les anciens eux-mêmes doivent
avoir donné ce nom à des animaux très-différens, car ils parlent
en plusieurs endroits d'épines que les dauphins auroient sur le
dos (1).
Le dauphin vulgaire des naturalistes d’aujourd’hui est long de six
ou sept pieds. Son museau, h compter du front, égale en longueur
(TJ Pline (lib. V I I I , câp. a3)‘, dans une description de la guerre vraie ou fausse que les
dauphins auroient dans le JNil; avec les crocodiles , dit (.delphinorum ) dorso cuitellata
inest spinq, et subeuntes alveum {croçodilï} illd sécant spind. Sénèque (Natur. Quest. ,
lib. IV , cap. 2 ) , dans le récit des mêmes combats, dit ( inferiorem crocodilipartent) del-
phini, spinis quas dorso eminentes gerunt submei'si vulnerabant^ > et in adversiim enixi
dividebant. Pline (lib. IX , cap. 8 ) , dans son Histoire de l’amitié d’un dauphin du lac
Lucrin pour un pauvre enfant de Ba ye, a soin de remarquer que le dauphin , pour- prendre;
l’enfant sur son dos, abaîssoit, cachoit les aiguillons de sa”nageoire dorsale (pinn'ce acüléos
velut vagina condens).
Je crois avoir reconnu le poisson que Sénèque, Pline et même Aristote ont quelquefois
confondp-avec.le vrai dauphin, apparemment parce qu’il en recevoit aussi le nom de certains
pêcheurs, et voici ce_qui m’y a conduit. Dans le même liv. IX , cap. 7 , Pline mele à beaucoup
de choses qui appartiennent au dauphin véritable un trait qui lui est étranger: msi multum
infra rostrum os illi fo r et, medio pene in ventre, nullus piscium celeritatem ejus evaderet, .
et plus loin : nisi resupinialque çonversi non corripiunt; et ce n’est point là un de ces traits
que l’on pourroit mettre sur le compte du peu de jugement de Pline, car Aristote, qui a si
parfaitement connu et décrit le dauphin ordinaire, attribue (de Part. An. , lib. IV,cap. i 3j
une bouche inférieure au dauphin et aux cartilagineux. Il est naturel de croire que cette,
circonstance, totalement fausse pour l e . dauphin vulgaire ,. est prise de cet autre dauphin
dont le dos étoit armé d’épines. Or je ne trouve ces trois caractères, d’ une bouche en
dessous, d’épines sur le dos et d’assez de force pour combattre le crocodile , que dans
certains squales, tels que le sqi. centrina et le sq.spinax, L.
Voici un passage qui confirme singulièrement ma conjecture. Pline (lib. I X , cap. 11) ,
après avoir dit que ceux qu’on nomme tursio ressémblent aux dauphins, ajoute : maxime
tamen rostris canicularum maleficentioe assimilati; phrase sans doute un peu obscure, mais
qui fait porter la ressemblance sur le bec lui-même non moins, que sur la malignité : ainsi ce
tursio, qui auroit ressemblé au.dauphin, auroit aussi ressemblé au squale. Enfin Athénée
(lib. V II ) dit encore plus expressément : les Romains nomment tursio un morceau salé de
poisson que les Grecs appellent carchariàs. Orcarchariaseslnn squale, à n’en pas douter.
En voilà plus qu’il'm’en faut pour prouver que les anciens donnoiènt le nom de dauphin
à deux animaux différons, ce q ui doit d’autant moins nous étonner qu’il en est encore ainsi
de nos jours, car la grande dorade ( coiyphoena hippuris, L . ) s’appelle aussi dauphin.
Je pense ainsi avoir découvert le moyen de terminer les longues querelles, des commentateurs
sur le dauphin des anciens.
le reste de sa tête. Il porte à chaque mâchoire de 42 à 47 dents de
chaque côté, et en a par conséquent en. tout fie 168 à 188. Ses péc*-
torales sont médiocres, taillées en faux; sa dorsale pointue et assez
élevée ; sa caudale en forme de croissant, échancree dans son milieu,
à cornes peu aiguës et peu prolongées ; et la queue avant sa base est
un peu comprimée latéralement, et carenee en dessus et en dessous.
Son dos est noirâtre, et ce noir fait un angle descendant vers le flanc.
Les flancs sont grisâtres, et le ventre blanchâtre.
Cette espèce est commune à l’Océan et à la Méditerranée, mais
on n’a jamais bien déterminé dans quelles limites elle se renferme,
et il est possible que les navigateurs en aient pris d’autres pour elles.
Doit-on en distinguer, par exemple, le dauphin de Pernetty (Voyage
aux îles Malouines, 1, 99, pl. I l , fig. 1 ) , qui a été vu près des îles
du cap Verd et dont le ventre paroit avoir ete tachete ?
Nous avons assez souvent sur nos côtes une espèce à bec, de taille
plus grande que le dauphin proprement dit, à laquelle nos matelots
de Normandie ont attaché plus spécialement le nom de souffleur.
Sa longueur est de neuf à dix pieds ; elle porte de chaque côté à
chaque mâchoire-21 à 28 dents., coniques, emousseès par le bout.
On la reconnoît bien dans foudre de Belon (1), que.cet auteur
croyoit Yorca des latins, et qu’il confond mal à propos avec le capi-
dolio des Italiens, qui est un cachalot. Cet oudre de Belon est aussi
le nesamak ou delphinus tursio de.Fabricius (2), de Bonnaterre et
de Lacépède , ainsi que le cétacé que John Hunter (5) nommoit
bottle nose wale et prenoit pour le delphinus delphis de Linnæus. 1 *3
(1) Des étranges Poissons marins ; p. 3o, et la fig. p. 33 ; et de Aq uatil., p. 18. Il dit
que son oudre a précisément moitié du nombre des dents du dauphin vulgaire, environ
quarante à chaque mâchoire.
N. B. Linnæus a réuni sous son delph. orca cet orca de Belon et celui de Rondelet ou
l'épaulsxrd, qui est très-différent, et n’a que vingt-deu* dents à chaque mâchoire avec une
tête ronde. U orca de Fabriciusest le gladiateur ou épée de mer, c’est-à-dire très-probable-
ment le même que Yépaulard.
. (a) Faun. g r o ê n l .p. 4g-
(3) Trans, phil. de 17B7 , pl. XVIII.