naturalistes ne les ont pas si bien traités; ils les ont toujours rapprochés
du morse, lequel est tout aussi quadrupède que les phoques,
et les ont fait courir avec lui de famille en famille, le plus souvent
sans même les séparer de genre.
Chisius paroît les avoir induits le premier h ce rapprochement, en
rapportant le lamantin au genre des phoques ( i ) , et comme apres
les notices abrégées et sans figures d'Oviedo (a), de Gomara (3) et
de Rondelet (4) , Clusius eut l’avantage de donner le premier, d’après
nature, une figure et une description de cet animal ; son opinion
étoit faite pour obtenir du crédit.
Gesner (5) n’avoit fait, comme à son ordinaire, que copier Rond
elet; Aldrovande (6) et Jonston (7) copièrent Gesner et Clusius;
il en fut de même de L a et (8), de Dutertre (9), de Rochefort (10),
et même de Labat{ 11), au moins pour la figure; et l’ouvrage d’H er-
nandès (12), que l’on publia dans l’intervalle, n’ajouta rien à.ce
que l’on pouvoit trouver dans les auteurs imprimés avant lui.
Par un hasard singulier, quoique le lamantin soit assez commun
dans les Indes occidentales, que sa chair soit un mets agréable, que
ses moeurs singulières l’aient rendu intéressant, que les ms de ses
oreilles aient même été pendant long-temps un article renommé de
pharmacie, les naturalistes de profession n’eurent point d’occasion
d’observer l’animal entier et adulte, et employèrent chacun, suivant
ses systèmes, les faits qu’ils empruntoient des premiers descripteurs.
(ï) E x o t iç ., lib. V I , eap. X V I I I , p- i 3a.
(2) Hist. gen. et nàt. In d ., lib. X I I I , cap. X..
(3) Hist. gen., cap. X X X I .
(4) De Piscib., lib. X V I , cap. X V I I I , p- 49°* Voyez aussî Thevet> Singul. de la Fr.
antarc., feuill. i 38.
(5) De Aquatil., p. 2l3. .
(6) De Piscib. et Cetis, p. 278.
(7) De P iscib., lib. V , art. VII.
(8) .Hist. des Indes occid. , p. 6.
(9) Hist. nat.des Antilles fr a n ç ., t. I l , p. 19g.
(xo) Hist. nat. des A n t i l l e s chap. 17 , art. Y .
(11) Voyage aux îles de VAmér., t. I I , p. 200 ; et Relat. de VAfr. occid., I I , 338.
Çx2) M ex ic ., p. 323.
Ainsi R ai (1) le laisse avec les phoques et le morse à la suite du
genre des chiens; K lein (a) est tellement entraîné par l’analogie,
qu’il va jusqu’ à dire qu’on doit s’être trompé en lui refusant les
pieds de derrière. . r u ' _ . . . .
L in næ u s, qui l’avoit laissé d’abord dans sa quatrième et sa sixième
édition, à l’exemple S A r te d i (3);, avec les cétacés, dans la classe
des poissons, pendant qu’il mettoit le morse avec les phoques , le
transporta ensuite seul dans l’ordre des brida (dixième édition) , et
y remit enfin le morse avec lui (douzième édition), en avertissant
toutefois de l’affinité du larnantm awec lestcétacés..- :
C’étoit Rrisson qui lui avoit indiqué ce doublé transport (4) , et
qui avoit été lui-même persuadé par K le in , iau point d adopte»
aussi son doute sur l’absence des pieds de derrière.
Enfin D aulenton ayant disséqué un fétus de lamantin (5) , confirma
.ce défaut des extrémités postérieures, et d’après lui P en -
nant (6) remit cet animal immédiatement avant les céta cés, mais
immédiatement après les phoques, plaçant le morse avant ceux-civ
Cependant comme D aulenton n’avoit connu du dugong que sa
tête, sans remarquer ses rapports avec celle du lam antin, Pennant
laissa encore le dugong avec le morse (7). . ! ;■
Il y avoit toutefois un perfectionnement dans cette disposition ;
mais E rxleb en (8), Schreber (9) y Gmelin (.10) et Shaw (i 1) ne 1 a-
doptèrent point; ils mirent toujours les trois animaux dans un même
genre, quoique le dernier auteur surtout n’eut, pour ainsi dire, plus 1 1
(1) Syn. anim. Quadr., p. ig 3.
(2) Quadr. disposit., p. t)4*
(3) Gener. P is c ., p. 79.
(4) Regne animal, p. 48 et 49*
(5) Hist. n at., X I I I , in-4°. * p. 4^5 et suiv.
(6) Hist:, o f Quadr., p. 536.
(7) Ibid.x Si'i*
(8) Mammal., p. 5g 3 et suiv.
(9) Sceuge-Thiere, part. I I , p. 262 et suïv.
(10) Syst. nat. h in ., I , p. 5g et 60.
(11) Gêner. Z o o l , vol. I , part. I , p. 239 et suiv.