Jxtj EFFETS DE L’ ART DE L’ HOMME
aura commencé le développement des premières, et
de celui où il se sera arrêté, dévoilera l’origine et
letendue des secondes. Les espèces artificielles seront
la mesure des espèces naturelles. On sait, par exemple,
que le cjprin doré de la Chine perd dans la domesticité,
non seulement des traits de son espèce par
l’altération de la forme de sa nageoire caudale, mais
encore des signes distinctifs du groupe principal ou du
.genre auquel il appartient, puisque la nageoiré du dos
lui est ôtée par l’art, et même des caractères de la grande
famille ou de l’ordre dans lequel il doit être compris,
puisque la main de l’homme le prive de ces nageoires
inférieures dont la position ou l’absence indiquent les
ordres des poissons.
À la vérité, l’action de l’homme n’a pas encore pénétré
assez avant dans l’intérieur de ce cyprin doré,
pour j changer ces: proportions générales de l’estomac,
des. intestins, du foie, des reins, des ovaires, etc.,
qui constituent véritablement la diversité des ordres,
pendant que l’absence ou la position des nageoires
inférieures n’est qu’un signe extérieur qui!, par ses;
relations avec la forme et les dimensions des organes
internes, annonce ces ordres sans en produire la
diversité.
■ Mais que sont quelques milliers d’années, pendant
lesquels les Chinois ont manié, pour ainsi dire , leur
cyprin doré, lorsqu’on les compare au temps dont la
Nature dispose ? C’est cette lenteur dans le travail, c’est
SUR LA N A T U R E D E S P O I S S ONS . Ixiij
cette série infinie d’actions successives, c’est cette accumulation
perpétuelle d'efforts dirigés dans le même
sens , c’est cette constance et dans l’intensité et dans la
tendance de la force, c’est cet emploi de tous les instans
dans une durée non interrompue de milliers de siècles ,
qui, survivant a tous les obstacles qu’elle n’a pu ni
dissoudre ni écarter , est le véritable priucipe de la
puissance irrésistible de la Nature.En ce sens, la Nature
est le temps , qui règne sans contrainte sur la matière
qu’elle façonne et sur l’espace dans lequel elle distribue
les ouvrages de ses mains immortelles.
(le sera donc toujours bien au-delà de la limite du
pouvoir de l’homme, qu’il faudra placer celle delà force
victorieuse qui appartient à la Nature. Mais les juge-
mens que nous porterons de cette force d’après
l’étendue de l’art, n’en seront que plus fondés; nous
n’aurons que plus de raison de dire que les espèces
artificielles, excellentes mesures des espèces naturelles
produites dans la suite des âges, sont aussi le mètre
d’après lequel nous pourrons évaluer avec précision
le nombre des espèces perdues, le nombre de celles
qui ont disparu avec les siècles.
Deux grandes manières de considérer l’univers
animé sont dignes de toute l’attention du véritable
naturaliste.
D’un côté, on peut voir, dans les temps très-anciens,
tous les animaux n’existant encore que dans quelques
espèces primitives, qui, par des nlojens analogues à ceux