XXXl’ v E F F E T S DE l' a R T D E L’ H OMM E
vase, l'écraser, ou le détacher et le faire tomber, la
grandeur, la force, l’agilité, les dents du poisson , ne
sont plus qu'un secours inutile. En vain il s’agite
se secoue, se contourne, va, revient, s’échappe, s’enfuit
avec la rapidité de l’éclair; il porte toujours avec
lui l'ennemi attaché à ses organes; tous ses efforts
sont impuissans; et le ver ou l’insecte est pour lui
au milieu des flots ce que la mouche, du désert, est
dans les sables brûlans de l’Afrique; non seulement
pour la timide gazelle, mais encore pour le tigre
sanguinaire et pour le fier lion, qu’elle perce, tourmente
et poursuit de son dard acéré, malgré leurs
bonds violens, leurs mouvemens impétueux et leur
rugissement terrible.
Mais ce n’est pas assez pour l’intelligence humaine
de conserver ce que la Nature produit: que, rivale de
cette puissance admirable , elle ajoute à la fécondité
ordinaire des espèces; qu’elle multiplie les ouvrages
de la Nature.
On a remarqué que, dans presque toutes les espèces
de poissons, le nombre des mâles étoit plus grand et
même quelquefois double de celui des femelles; et
comme cependant un seul mâle peut féconder des
millions d’oeufs, et par conséquent le produit de la
ponte de plusieurs femelles, il est évident que l’on
favorisera beaucoup la multiplication des individus, si
on a le soin, lorsqu’on pêchera, de ne garder que les
mâles, et de rendre à l’eau les femelles. On distinguera
SUR LA NATURE DES POISSONS. XXXV
facilement, dans plusieurs espèces , les femelles des
mâles, sans risquer de les blesser, ou de nuire à la
reproduction , et sans chercher, par exemple, dans le
temps voisin du frai, à faire sortir de leur corps quelques
oeufs plus ou moins avancés. En effet, dans ces
espèces, les femelles sont plus grandes que les mâles;
et d’ailleurs elles offrent dans les proportions de leurs
parties, dans la disposition de leurs couleurs, ou dans
la nuance de leurs teintes, des signes distinctifs qu’il
faudra tâcher de bien connoître, et que nous ne négligerons
jamais d’indiquer en écrivant l’histoire de
ces espèces particulières.
Lorsqu’on ne voudra pas rendre à leur séjour natal
toutes les femelles que l’on pêchera, on préférera de
conserver pour la reproduction les plus longues et les
plus grosses, comme pondant une plus grande quantité
d’oeufs.
De plus, et si des circonstances impérieuses ne s’y
opposent pas, que l’on entoure les étangs et les viviers
de claies ou de filets, qui, dans le temps du frai,
retiennent les herbes ou les branches chargées d’oeufs,
et les empêchent d’être entraînées hors de ces réservoirs
par les débordemens fréquens à l’époque de la ponte.
Que l’on éloigne, autant qu’on le pourra, les fri-
ganes, et les autres insectes aquatiques voraces qui
détruisent les oeufs et les poissons qui viennent d’éclore.
Que l’on construise quelquefois dans les viviers differentes
enceintes, l’une pour les oeufs, et les autres