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Xlviij E F F E T S DE' ' L’ A R T 'DE L’ HOMME
On a observé dans tous les temps que le repos etun aliment
très-copieux engraissoient beaucoup les animaux.
On s’est servi de ce moyen pour quelques poissons; et on
l’a employé d’une manière remarquable pour les carpes:
on les a suspendues hors de l’eau, de manière à leur
interdire le plus foible mouvement de nageoires; et elles
ont été enveloppées dans de la mousse épaisse qu’on a
fréquemment arrosée. Par ce procédé , ces cyprins ont
été non seulement réduits à un repos absolu, mais
plongés perpétuellement dans une sorte d’humidité ou
de fluide aqueux qui, parvenant très-divisé à leur surface
, a été facilement pompé, absorbé, décomposé,
combiné dans l’intérieur de l’animal , assimilé à sa
substance, et métamorphosé par conséquent en nourriture
très-abondante. Aussi ces carpes maintenues en
l’air, mais retenues au milieu d’une mousse humectée
presque continuellement, ont-elles bientôt acquis une
graisse copieuse , et de plus un goût très-agréable.
Dès le temps de Willuglfby,- et même de celui de
Gesner, on savoit que l’on pouvoit ouvrir le ventre à
certains poissons, et sur-tout au brochet et à quelques
autres ésoces, sans qu’ils en périssent, et même sans
qu’ils en parussent longtemps incommodés. Il suffit
de séparer les muscles avec dextérité,' de rapprocher
les chairs et les tégumens avec adresse , et de les
recoudre avec précaution, pour qu’ils puissent plus
facilement se réunir. Cette facilité a donné l’idée d’employer,
pour engraisser ces poissons, le même moyen
SUR LA N A T U R E DES P O I S S O N S . XÜX
dont on se sert pour donner un très-grand surcroît de
graisse aux boeufs, aux moutons, aux chapons, aux
poulardes, etc. On a essayé, avec beaucoup de succès ,
d’enlever aux femelles leurs ovaires, et aux mâles leurs
laites. La soustraction de ces organes , faite avec habileté
et avec beaucoup d’attention, n’a dérangé que pendant
un temps très-court la santé des poissons qui l’ont
éprouvée; et toute la partie de leur substance qui se
portoit vers leurs laites ou vers leurs ovaires , et qui y
donnoit naissance ou à des centaines de milliers d’oeufs,
ou à une quantité très-considérable de liqueur fécondante
, ne trouvant plus d’organe particulier pour l’élaborer
ni même pour la recevoir, a reflué vers les
autres portions du corps , s’est jetée principalement
dans le tissu cellulaire , et y a produit une graisse non
seulement d’un goût exquis, mais encore d’un volume
extraordinaire.
Mais que l’on ait sur-tout recours, pour l’amélioration
des poissons , à ce moyen dont on a retiré de si grands
avantages pour accroître les bonnes qualités et les
belles formes de tant d’autres animaux utiles, et qui
produit des phénomènes physiologiques dignes de
toute l’attention du naturaliste : c’est le croisement des
races, que nous recommandons. On sait que c’est par
ce croisement que l’on est parvenu à perfectionner le
belier, le boeuf, l’âne et le cheval. Les espèces de
poisson, et principalement celles qui vivent très-près
de nous, qui préfèrent à la haute mer les rivages de
TOME III. G