Üj E F F E T S D E l ’a R T D E l 'b O M M E
C’est un fait semblable à celui qu’observent les chimistes,
lorsque, par une suite d’une pénétration plus
ou moins grande, le poids de deux substances qu’ils
ont combinées l’une avec l’autre, est plus grand que
la somme des poids de ces deux substances avant leur
combinaison.
Le résultat du croisement d,e deux races n’est cependant
pas nécessairement, et dans toutes les circonstances,
le perfectionnement des espèces : il peut arriver
et il arrive quelquefois que ce croisement les détériore
au lieu de les améliorer. En effet, et indépendamment.
d’autre raison, chacun des deux individus
qui se rapprochent dans l’acte de là génération , peut
être regardé comme imprimant la forme à l’être qui
provient de leur union, ou comme fournissant la matière
qui doit être façonnée, ou comme influant à la
fois sur le fond et sur la forme: mais nous ne pouvons
avoir aucune raison de supposer qu’après la réunion
de deux races, il j ait nécessairement entre la matière
qui doit servir au développement et le moule dans
lequel elle doit être figurée, plus de convenance qu’il n’y
en avoit avant cette même réunion, dans les individus
de chacune de ces deux races considérées séparément.
Il j a donc dans l’éloignement des races l’une de
l’autre, c’est-à-dire, dans le nombre des différences qui
les séparent, une limite en deçà et au-delà de laquelle
le croisement est par lui-même plus nuisible qu’avantageux.
SUR L A N A T U R E D E S P O I S S O N S . l iij
L’expérience seule peut faire connoître cette limite :
mais on sera toujours sûr d’éviter tous les inconvéniens
qui peuvent résulter du croisement considéré en lui-
même , si dans cette opération on n’emploie jamais
que les meilleures races, et si, par exemple, en mêlant
les races des poissons, on ne cesse de rechercher celles
qui offrent le plus de propriétés utiles, soit pour obtenir
les oeufs que l’on voudra féconder, soit pour se
procurer la liqueur active par le mojen de laquelle on
désirera de vivifier ces oeufs.
Voilà à quoi se réduit ce que nous pouvons dire du
croisement des races, après avoir réuni dans notre
pensée les vérités déjà publiées sur cette partie de la
physiologie, les avoir dégagées de tout appareil scientifique,
les avoir débarrassées de toute idée étrangère,
les avoir comparées, et j avoir ajouté le résultat de
quelques réflexions et de quelques observations nouvelles.
Considérons maintenant de plus haut ce que peut
l’homme pour l’amélioration des poissons. Tâchons de
voir dans toute son étendue l’influence qu’il peut exercer
sur ces animaux par l’emploi des quatre grands
moyens dont il s’est servi, toutes les fois qu’il a voulu
modifier la Nature vivante. Ces quatre moyens si puis-
sanssont, la nourriture abondante et convenable qu’il
a donnée, l’abri qu’il a procuré, la contrainte qu’il a
imposée, le choix qu’il a fait des mâles et des femelles
pour la propagation de l’espèce.