transformant les êtres , et rivalisant, pour ainsi dire,
avec la puissance créatrice.
L’amour propre, l’intérêt, le sentiment et la raison
applaudissent sur-tout à ce noble spectacle, lorsqu’il
nous montre le génie de l’homme exerçant son empire,
non seulement sur la matière brute qui ne lui résiste
que par sa masse, ou ne lui oppose que ce pouvoir
des affinités qu’il lui suffit de connoître pour le maîtriser,
mais encore sur la matière organisée et viye,
sur les corps animés, sur les êtres sensibles, sur les
propriétés des espèces, sur ces attributs intérieurs, ces
facultés secrètes, ces qualités profondes qu’il domine,
sans même parvenir à dévoiler leur essence.
De quelques êtres organisés et vivans que l’on veuille
dessiner l’image, on voit presque toujours sur quelques
uns de leurs traits l’empreinte de l’art de l’homme.
Sans doute l’histoire de son industrie n’est pas celle
de la Nature : mais comment ne pas en écrire quelques
pages, lorsque le récit de ses procédés nous montre
jusqu’à quel point la Nature peut être contrainte à
agir sur elle-même, et que cette puissance admirable
de l’homme s’applique à des objets d’une haute
importance pour le bonheur public et pour la félicité
privée?
'Parmi ces objets si dignes de l’attention de l’économe
privé et de l’économe public, comptons, avec les
sages de l’antiquité, ou, pour mieux dire, avec ceux
de tous les siècles qui ont le plus réuni l’amour de
l’humanité à la connoissance des productions de la
Nature, la possession des poissons les plus analogues
aux besoins de l’homme.
Deux grands moyens peuvent procurer ces poissons
que l’on a toujours recherchés, mais auxquels, dans
certains siècles et dans certaines contrées, on a attaché
un si grand prix.
s Le premier de ces moyens, résultat remarquable
du perfectionnement de la " navigation, multipliant
chaque jour le nombre des marins audacieux, et
accroissant les progrès de l’admirable industrie sans
laquelle il n’auroit pas existé^ obtiendra toujours les
plus grands encouragemens des chefs des nations
éclairées : il consiste dans ces grandes pêches auxquelles
des hommes entreprenans et expérimentés vont se livrer
sur des mers lointaines et orageuses.
Mais l’usage de ce moyen, limité par les vents, les
courans et les frimas, et troublé fréquemment par
les innombrables accidens de l’atmosphère et des mers,
exige sans cesse une association constante , prévoyante
et puissante, une réunion difficile d’instrumens variés,
une sorte d’alliance entre un grand nombre d’hommes
que l’on ne peut rencontrer que très-rarement et
rapprocher qu’avec peine. 11 ne donne à nos ateliers
qu’une partie des produits que l’on pourrait retirer
des animaux poursuivis dans ces pêches éloignées et
fameuses, et ne procure pour la nourriture de l’homme
que des préparationsqieu substantielles, peu agréables,
ou peu salubres.