Jx E F F E T S D E L’ A R T D E L’ H O M M E
les grands mammifères de cette partie du monde, qui
habitent les environs des déserts, et que la chaleur
et la soif dévorantes contraignent de se rassembler
fréquemment en troupes très-nombreuses autour des
amas d eau qui résistent aux rayons ardens du soleil
dans ces régions voisines des tropiques, doivent souvent
s accoupler les uns avec les autres ; et que de
leur union résultent des mulets féconds ou inféconds,
qui, par le mélange extraordinaire de diverses formes
remarquables et de dilférens attributs singuliersmé^
ritent ce nom imposant de monstres africains.
Cependant ne cessons pas de nous occuper de ces
poissons mulets que l’art peut produire ou que la
Nature fait naître chaque jour par l’union de la carpe
avec la gibele, ou par celle de plusieurs autres espèces,
sans faire une réflexion importante relativement à la
génération des animaux dont nous écrivons l’histoire,
et même à celle de presque tous les animaux.
Des auteurs d’une grande autorité ont écrit que, dans
la reproduction des poissons, la femelle exerçoit une
si grande influence, que le foetus etoit entièrement
formé dans l’oeuf avant l’émission de la laite du mâle,
et que la liqueur séminale dont l’oeuf étoit arrosé ,
imbibé et pénétré, ne dev.oit être cpnsidérée que
comme une sorte de stimulus propre à donner le mouvement
et la vie à l'embryon préexistant.
Cette opinion a été étendue et généralisée au point
de devenir une théorie sur la génération des animaux,
SUR LA N A T U R E D E S POI S SONS . lxj
et même sur celle de l’homme. Mais l’existence des
métis ne détruit-elle pas cette hypothèse? Ne doit-on
pas voir que si la liqueur fécondante du mâle n’étoit
qu’un fluide excitateur, n’influoit en rien sur la forme
du foetus , ne donnoit aucune partie à l’embryon, les
oeufs de la même femelle, de quelque laite qu’ils
fussent arrosés, feroient toujours naître des individus
Semblables? le stimulus pourroit être plus ou moins
actif; l’embryon seroit plus fort ou plus foible ; le
foetus éclorait plidôt ou plus tard ; l’animal jouiroit
d’une vitalité plus ou moins grande; mais ses formes
seroient toujours les mêmes ; le nombre de ses organes
ne varierait pas ; les dimensions pourraient être agrandies
ou diminuées; mais les proportions, les attributs,
les signes distinctifs, ne montreraient aucun changement,
aucune modification; aucun individu ne présenterait
en même temps et des traits du mâle et des
traits de la femelle; il ne pourroit, dans aucune circonstance,
exister un véritable métis.
Quoi qu’il en soit, les espèces que l’homme produira,
soit par l’influence qu’il exercera sur les individus
soumis à son empire, soit par les alliances qu’il établira
entre des espèces voisines ou éloignées; seront un
grand moyefn de comparaison pour juger de celles
que la Nature a pu ou pourra faire naître dans le
cours des siècles. Les modifications que l’homme imprime,
serviront à déterminer celles que la Nature
impose. La connoissance que l’on aura du point où