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La pectorale des pirapèdes est d’ailleurs double, et
présente par conséquent un caractère que nous n’avons
encore vu que dans le lépadogastère gouan. À la base
de cette aile, on voit en effet un assemblage de six
rayons articulés réunis par une membrane, et composant
par conséquent une véritable nageoire qu’il est
impossible de ne pas considérer comme pectorale.
De plus, l’ai'le des poissons que nous examinons
offre une grande surface; elle montre, lorsqu’elle est
déployée, une figure assez semblable à celle d’un
disque, et elfe atteint le plus souvent au-delà de la
nageoire de l’anus et très-près de celle de la queue.
Les rayons qu’elle renferme étant assez écartés l’un de
l ’autre lorsqu’elle est étendue, et n’étant liés ensemble
que par une membrane souple qui permet facilement
leur rapprochement, il n’est pas surprenant que l’animal
puisse donner aisément et rapidement à la surface
de ces ailes, cette alternative d’épanouissement et de
contraction, ces inégalités successives, qui, produisant
des efforts alternativement inégaux contre l’air de
l’atmosphère, et le frappant dans un sens plus violemment
que dans un autre, font changer de place à
l’animal lancé et suspendu, pour ainsi dire, dans ce
fluide, et le douent véritablement de la faculté de
voler *.
Voilà pourquoi la pirapède peut s’élever au-dessus
p y oyez le Discours sur la nature des poissons.
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I ,j la,mer, à une assez grande hauteur, pour que la
courbe qu’elle décrit dans l’air ne la ramène dans les
I fl0ts que lorsqu’elle a franchi un intervalle égal, sui-
I yant'quelques observateurs, au moins à une trentaine
de mètres ; et voilà pourquoi encore, depuis Aristote
jusqu’à nous , elle a porté le nom de faucon de la mer,
I et sur-tout ÿhirondelle marine.
I Elle traverseroit au milieu de l’atmosphère des
I espaces bien plus grands encore, si la membrane de
I ses ailes pou voit conserver sa souplesse au milieu de
! Tair chaud et quelquefois même brûlant des contrées
I où on la trouvé : mais le fluide qu’elle frappe avec ses
grandes nageoires, les a bientôt desséchées, au point
de rendre très-difficiles le rapprochement et l’éearte-
[ ment alternatifs des rayons; et alors le poisson que
nous décrivons , perdant rapidement sa faculté distinctive
, retombe vers les ondes au-dessus desquelles
j il s’étoit soutenu, et ne peut, plus s’élancer de nouveau
dans l’atmosphère que lorsqu’il a plongé ses ailes
dans une eau réparatrice , et que, retrouvant ses attributs
par son immersion dans son fluide natal, il offre
une sorte de petite image de cet Antée que la mythologie
.grecque nous représente comme perdant ses
forces dans l’a ir, et 11e les retrouvant qu en touchant
I de nouveau la terre qui l’avoit nourri.
Les pirapèdes usent d’autant plus souvent du pouvoir
de voler qui leur a été départi, qu elles sont
poursuivies dans le sein des eaux par un grand nombre
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