On a donc pu remarquer sept traits principaux par
lesquels le chrysurus diffère de l’hippurus : premièrement,
le nombre des rayons n’est pas le même dans la
plupart des nageoires de ces deux coryphènes ; secondement,
la membrane branchiale du chrysurus ne renferme
que six rayons, il y en a toujours depuis sept jusqu
a dix à celle del’hippurus; troisièmement, le dos du
premier est caréné, celui du second.est convexe ; quatrièmement,
l’ouverture de la bouche est peu étendue
dans le chrysurus, elle est très-grande dans l’hippurus;
cinquièmement, les dents du chrysurus sont conformées
et placées bien différemment que celles de l’hip-
purus; sixièmement, l’opercule branchial du chrysurus
comprend deux lames, on ne voit qu’une pièce
dans celui de l’hippurus; et septièmement, nous avons
déjà montré une distribution de couleurs bien peu
semblable sur l’un et sur l’autre de ces deux coryphènes.
Ils doivent donc constituer deux espèces différentes
, dont une, c’est-à-dire a celle que nous décrivons
, est encore inconnue des naturalistes ; car elle
est aussi très-distincte du coryphène doradon, ainsi
qu’on peut facilement s’en convaincre, en comparant
les formes du doradon et celles du chrysurus.
Au reste, les habitudes du coryphène qui fait le
sujet de cet article, doivent se rapprocher beaucoup
de celles de l’hippurus. En effet, Commerson ayant
ouvert un chrysurus qui avoit plus de sept décimètres
de longueur, il trouva son estomac, qui- étoit alongé
et membraneux, rempli de petits poissons volans,et
d’autres poissons très-peu volumineux.
Il vit aussi s’agiter au milieu de cet estomac, et
dans une sorte de pâte ou de chyme, plusieurs vers
filiformes, et de la longueur de deux ou trois centimètres.
Ce voyageur rapporte d’ailleurs dans les manuscrits
qui m’ont été confiés dans le temps par Buffon, que
lorsque les matelots exercés à la pêche ont pris un
chrysurus,,ils l’attachent à une corde, et le suspendent
à la proue du vaisseau , de manière que l’animal paroît
être encore en vie et nager à la surface de la mer. Ils
attirent et réunissent, par ce procédé , un assez grand
nombre d’autres chrysurus, qu’ils peuvent alors percer
facilement avec une fouine*..
Commerson ajoute que les chrysurus Remportent
sur presque tous les poissons de mer par le bon goût
de leur chair, que l’on prépare de plusieurs manières
et particulièrement avec du beurre et des câpres.
*La fouine est un peigne de fer attaché à un long manche. On donne
aussi ce nom , ainsi que celui de foene et de fo u a n n e à une broche
terminée par un dard. Quelquefois on ajuste ensemble deux, trois ou
un plus grand nombre de lames , pour former une fouanne^ ou foene,
ou fouine. D’autres fois o» emploie ces noms pour désigner une simple
fourche. On attache l’insfrument au bout d’une perche , et l ’on s’en sert
pour percer les poissons que l ’on apperçoit au fond de l ’eau, ou qui sont
cachés dans la vase, les enfiler et les retirer,. .