LE LABRE HÉPATEL
L a Nature n’a accordé aux labres ni la grandeur, ni
la force, ni la puissance. Ils ne régnent pas au milieu
des ondes en tyrans redoutables. Des formes singulières,
des habitudes extraordinaires, des facultés terribles,
ou, pour ainsi dire, merveilleuses, un goût
exquis, une qualité particulière dans leur chair, n’ont
point lié leur histoire avec celle des navigations lointaines,
des expéditions hardies, des pêches fameuses,
du commerce des peuples, des usages et des moeurs
des différens siècles, Us n’ont point eu de fastueuse
célébrité. Mais ils ont reçu des proportions agréables,
des mouvemens agiles, des rames rapides. Mais toutes
les couleurs de l’arc céleste leur ont été données
pour leur parure. Les nuances les plus variées, les
tons les plus vifs, leur ont été prodigués. Le feu du
diamant, du rubis, de la topaze, de l’émeraude, du
saphir, de l’améthyste, du grenat, scintille sur leurs
écailles polies ; il brille sur leur surface en gouttes, en *
* Labrus hepatus.
Id. Linné 3 édition de Gmelin.
Labre hépate. Laubenton et-Haiiy} Encyclopédie méthodique.
Id. Bonnaterre x planches de VEncyclopédie méthodique.
Labrus maxillâ inferiore longiore ? caudâ bifprç^. etc, Arledi
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croissans, en raies, en bandes, en anneaux, en ceintures
, en zones, en ondes ; il se mêle à l’éclat de l’or
et de l’argent qui y resplendit sur de grandes places ,
ou il relève les reflets plus doux, les teintes obscures,
lés aires pâles, et, pour ainsi dire, décolorées. Quel
spectacle enchanteur ne présenteroient - ils pas; si
appelés, de toutes les mers qu’ils habitent, et réunis
dans une de ces vastês plages équatoriales, où un
océan de lumière tombe de l’atmosphère qu’il inonde,
sur les flots qu’il pénètre, illumine, dore et rougit,
ils pressoient, mêloient, confondoient leurs grouppes
nombreux, émaillés et éclatans, faisoient jaillir au
travers du erystal des eaux et de dessus les facettes
si multipliées de leur surface luisante , les rayons
âbondans d’un soleil sans nuages, et présentoient
dans toute la vivacité de leurs couleurs , avec toute la
magie d’une variété presque infinie, et par le pouvoir
le plus étendu des contrastes, la richesse de leurs
vêtemens, la magnificence de leurs décorations , et le
charme de leur parure !
C’est en les voyant ainsi rassemblés, que l’ami de
la Nature, que le chantre des êtres créés, rappelant
dans son ame émue toutes les jouissances que peut
faire naître la contemplation des superbes habitans des
eaux, et environné, par les prestiges d’une imagination
animée, de toutes les images riantes que la mythologie
répandit sur les bords fortunés de l’antique Grèce,
voudroit entonner de nouveau un hymne à la beauté.
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