l’échelle de la durée une place aussi éloignée des poissons
les plus favorisés, que sur celle des grandeurs.
On a écrit qu’il ne vivoit tout au plus que trois ans.
Quelque sûres qu’aient pu paroître les observations
sur lesquelles on a fondé cette assertion, nous croyons
qu’elles ont porté sur des accidens individuels plutôt
que sur des faits généraux; et nous regardons comme
bien peu vraisemblable une aussi grande brièveté dans
la vie d’un animal qui, dans ses formes, dans ses qualités,
dans son séjour, dans ses mouvemens, dans ses
autres actes, dans sa nourriture, ne présente aucune
différence très-marquée avec des poissons qui vivent
pendant un très-grand nombre d’années. Et d’ailleurs
ne reconnoît-on pas dans l’épinoehe la présence ou
l’influence de toutes les causes que nous avons assignées
à la longueur très-remarquable de la vie des habitans
des eaux, et particulièrement des poissons considérés
en général?
C’est dans le printemps que ce petit osseux dépose
ses oeufs sur les plantes aquatiques , qui les maintiennent
à une assez grande proximité de la surface
des lacs ou des rivières, pour que la chaleur du soleil
favorise leur développement. 11 se nourrit dé vers, ne
chrysalides, d’insectes que les bords des eaux peuvent
lui présenter, d’oeufs de poissons; et, malgré sa foi-
blesse, il attaque quelquefois des poissons, à la vérité,
extrêmement jeunes, et venant, pour ainsi dire, d’éclore.
Les aiguillons dont son dos est armé, et le bouclier
299
ainsi que les lames dont son corps est revêtu , le d é fendent
mieux qu’on ne le croiroit au premier coup
d’oeil j de l’attaque de plusieurs des animaux qui vivent
dans,les mêmes eaux que lui : mais ils ne le garantissent
pas de vers intestinaux dont il est fréquemment la victime
; ils ne le préservent pas non plus de la recherche
des pêcheurs. On ne le prend pas cependant, au moins
le plus souvent, pour la nourriture de l’homme, parce
que son goût est rarement très-agréable : mais comme
cette espèce est grasse et féconde en individus, il est
plusieurs contrées où l’on répand les épinoches par
milliers dans les champs, sur lesquels elles forment
en se corrompant un excellent fumier; ou bien on les
emploie à engraisser dans les basses-cours voisines des
lacs qui leur ont servi d’habitation, des canards, des
cochons, et d’autres animaux utiles dans l’économie
domestique.
On peut aussi exprimer de milliers d’épinoches une
assez grande quantité d’huile bonne à brûler; et nous
ne devons pas oublier de faire remarquer qu’il est un
grand nombre d’espèces de poissons, dédaignées a cause
du goût peu agréable de leur chair, dont on pourrait
tirer, comme de l’épinoche, un aliment convenable à
plusieurs animaux, un engrais très-propre à fertiliser
nos campagnes , ou une huile tres-utile à plusieurs
arts.
Les yeux de l’épinoche sont saillans, et ses mâchoires
presque aussi avancées lune que 1 autre: