
 
        
         
		m 
 X  EF FETS   DE  L  ART  DE  L  HOMME 
 carpes, des brèmes, et d’autres poissons qui vivent assez  
 long-temps  hors  de  l ’eau,  sans  emplojer  ni  tonneau  
 ni  voiture,  en les enveloppant dans  de  la neige et dans  
 des  feuilles  grandes ,  épaisses  et  fraîches,  telles  que  
 celles du chou ou de la laitue. Un mojen presque semblable  
 a  réussi  sur  des  brèmes  que  l’on  a  portées  vivantes  
 à  plus de dix mjriamètres  (vingt lieues). On les  
 avoit  entourées  de  neige  ,  et  on  avoit  mis  dans  leur  
 bouche  un morceau  de pain trempé dans  de l’eau-de-  
 vie. 
 C’est  avec  des  précautions  analogues  que  dès  le  
 seizième, siècle,  on  a  répandu  dans  plusieurs  contrées  
 de  l’Europe,  des  espèces  précieuses  de  poisson,  dont  
 ou j   étoit  privé.  C’est  en  les  employant,  qu’il  paroit  
 que  Maschal  a  introduit  la  carpe  en  Angleterre  en  
 1514; que Pierre Oxe l’a donnée au Danemarck en i 55oj  
 qu’à  une  époque  plus  rapprochée  on  a  naturalisé  
 l ’acipensère  strelet  en  Suède,  ainsi  qu’en  Poméranie,”  
 et qu’on a peuplé de cjprins dorés de la Chine les eaux  
 non  seulement  de France, mais  encore  d’Angleterre,  
 de Hollande  et  d’Allemagne. 
 Mais  il est un procédé  par  le mojen duquel on parvient  
 à  son  but  avec  bien  plus  de  sûreté, de  facilité  
 et  d’économie,  quoique  beaucoup  plus  lentement. 
 Il consiste  à  transporter  le  poisson,  non  pas  développé  
 et  parvenu  à  une  taille  plus  ou  moins  grande,  
 mais  encore  dans  l’état  d’embrjon  et  renfermé  dans  
 son  oeuf.  Pour  réussir  plus  aisément,  on  prend  les 
 SUR  LA  NATURE  DES  POISSONS.   xj  
 herbes  ou  les  pierres  sur  lesquelles  les  femelles  ont  
 déposé  leurs  oeufs,  et  les  mâles  leur  laite,  et  on  les  
 porte dans un vase plein d’eau,  jusqu’au  lac, à l’étang,  
 à  la  rivière ,  ou  au  bassin  que  l’on  desire  de  peupler.  
 On. apprend facilement  à distinguer  les oeufs fécondés,  
 d’avec  ceux  qui n’ont pas  été arrosés de la  liqueur prolifique  
 du mâle,  et  que  l’on doit  rejeter  :  les  premiers  
 paroissent  toujours  plus jaunes,  plus  clairs,  plus  diaphanes. 
   On  remarque  cette  différence  dès  le  premier  
 jour  de  leur  fécondation,  si  l’on  se  sert  d’une  loupe;  
 et  dès  le  troisième  ou  le  quatrième  jour  on  n’a  plus  
 besoin  de  cet  instrument ,  pour  Voir  que  ceux  qui  
 n’ont  pas  été  fécondés  par  le  mâle,  deviennent  à  
 chaque instant plus troubles,  plusopaques, plus ternes :  
 ils perdent tout  leur éclat,  s’altèrent,  se décomposent;  
 et dans cet état de demi-putréfaction ,  ils  ont été  comparés  
 à  de  petits  grains  de  grêle  qui  commencent  à  
 se  fondre  *. 
 Pour pouvoir emplojer  ce  transport des deufs  fécrim  
 dés,  d’une  eau  dans  une  autre,  il faudra  s’attacher  à  
 connoître  dans  chaque  pajs  le’ véritable  temps  dé  là  
 ponte  de  chaque  espèce,  et  du  passage  des mâles  au-  
 dessus  des  oeufs;  et  comme  dans  presque  toutes  les  
 espèces de poissons on compte  trois  ou quatre époques  
 du  frai,  les  jeunes  individus  pondant leurs  oeufs plus  
 tard  que les femelles  plus avancées  en âge,  et  celles-ci 
 * Bloch ,  Introduction à l’histoire naturelle  des poissons.