Iviij EFFETS DE l’ ART DE L’HOMME
s’altérant, sa qualité vivifiante, qu’on place des oeufs
de la seconde à une profondeur convenable, et à une
exposition favorable, dans les eaux fréquentées par les
mâles de la première. Qu’on les y arrange de manière
que leur odeur attire facilement ces mâles, et que
leur position les invite, pour ainsi dire, à les arroser
de leur fluide fécondant. Dans quelques circonstances,
ôn pourroit les y contraindre, en quelque sorte, en
détruisant autour de leur habitation ordinaire, et à
une distance assez grande, les oeufs de leurs propres
femelles. Dans d’autres circonstances | ôn pourroit
essayer de les faire arriver en grand nombre au-dessus
de ces oeufs étrangers que l’on voudroit les voir vivifier,
en mêlant à ces oeufs une substance composée,
factice et odorante, que plusieurs tentatives feroient
découvrir, -et qui , agissant sur leur odorat comme les
oeufs de leur espèce, les détermineroit aussi efficacement
que ces derniers à se débarrasser de leur laite,
et à la répandre abondamment.
Voudra-t-on se livrer à des essais plus hasardeux,
et réunir deux espèces de poissons dont les époques du
frai sont séparées par un intervalle de quelques jours?
Que l’on garde des oeufs de l’espèce qui fraie le plutôt;
que l’on se souvienne que l’on peut les préserver du
degré de décomposition qui s’opposeroit à leur fécondation
; et qu’on les répande , avec les précautions nécessaires
, à la portée des mâles de la seconde espèce,
lorsque ces derniers sont arrivés au terme de la maturité
de leur laite.
SUR LA N A T U R E D E S PO I S S ONS . lix
Au reste, les soins multipliés que l’on est obligé de
se donner pour faire réussir ces unions que l’on pourroit
nommer artificielles, expliquent pourquoi des
réunions analogues sont très-peu fréquentes dans la
Nature , et par conséquent pourquoi cette Nature,
quelque, puissante qu’elle soit, ne produit cependant
que très-rarement des espèces nouvelles par le mélange
des espèces anciennes. Cependant, depuis que
l’on observe avec plus d’attention les poissons , on
remarque dans plusieurs genres de ces animaux, des
individus qui, présentant des caractères de deux espèces
différentes et plus ou moins voisines, paroissent appartenir
à une race intermédiaire que l’on devra
regarder comme une espèce métive et distincte, lorsqu’on
l’aura vue se maintenir pendant un temps très-
long avec toutes ses propriétés particulières, et du
moins avec ses attributs essentiels. Nous avons commencé
de recueillir des faits curieux au sujet de ces
espèces, pour ainsi dire, mi-parties, dans les lettres
de plusieurs de nos savans correspondans, et notamment
du citoyen Noël de Rouen. Ce dernier naturaliste
pense, par exemple, que les nombreuses espèces de
raies qui se rencontrent sur lés rives françoises de la
Manche, lors du temps de la fécondation des oeufs,
doivent, en se mêlant ensemble , avoir donné ou
donner le; jour à des espèces ou races nouvelles. Cette
opinion du citoyen Noël rappelle celle de anciens
au sujet des monstres de l’Afrique. Ils croyoient que