remarqué particulièrement sur l’anguille et le citoyen
De Septfontaines, observateur très-éclairé, que nous
avons eu le plaisir de citer très-souvent dans nos ouvrages
, nous a écrit dans le temps, qu’il avoit fait
transporter des anguilles d’une eau bourbeuse dans
le vivier le plus limpide, d’une eau froide dans une
eau tempérée, d’une eau tempérée dans une eau froide,
d un vivier très-limpide dans une eau limoneuse, etc. ;
quil avoit fait supporter ces transmigrations à plus de
trois cents individus ; qu’il les y avoit soumis dans
différentes saisons ; qu’il n’en étoit pas mort la vingtième
partie • et que ceux qui avoient péri, n’avoient
succombé qu’à la fatigue et à la gêne que leur avoit
fait éprouver un séjour très-long dans des vaisseaux
très-ré troits.
On pourroit croire, au premier coup d’oeil, qu’une
des habitudes les plus difficiles à donner aux poissons
seroit celle de vivre dans l’eau douce après avoir vécu
dans l’eau salée , ou celle de n’être entourés que d’eau
salée après avoir été continuellement plongés dans de
l’eau douce.
Cependant on ne conservera pas longtemps cette
opinion , si l’on considère qu’à la vérité l’eau salée,
comme plus pesante, soutient davantage le poisson qui
des-lors lui donne, tout égal d’ailleurs, plus
d agilité et de vitesse dans ses mouvemens, mais que
lorsqu elle se décompose dans les branchies pour entretenir
par son oxygène la circulation du sang, ou
SUR - I , A'NATURE DES POISSONS. ' Xvij
seulement dans le canal intestinal pour servir par
son hydrogène à la nourriture de l’animal, le sel dont
elle est imprégnée, n’altère ni l’un ni l’autre produit
de cette décomposition. L’oxygène et l’hydrogène retirés
de l’eau salée, ou obtenus par le moyen de l’eau
douce, offrent les mêmes propriétés, produisent les
mêmes effets. Si le poisson est plus gêné dans ses mouvemens
au milieu d’un lac d’eau douce que dans le
sein de l’océan, il tire de l’eau de la mer et de celle du
lac la même nourriture ; et il peut, au milieu de l’eau
douce, n’être privé que de cette sorte de modification
qu’impriment la substance saline et peut-être une
matière particulière bitumineuse ou de toute autre
nature, contenues dans l’eau de l’océan, et qui l’environnant
sans cesse, lorsqu’il vit dans la mer, peuvent
traverser ses tégumens , pénétrer sa masse, et s’identifier
avec ses organes. •
De plus, un très - grand nombre de poissons ne
passent-ils pas la moitié de l’année dans l’océan , et
l’autre moitié dans les rivières ainsi que dans les
fleuves? et ces poissons voyageurs ne paroissent-ils pas
avoir absolument la même organisation que ceux qui,
plus sédentaires, n’abandonnent dans aucune saison
les rivières ou la mer?
Quant à la température , les eaux, au moins les
eaux profondes, présentent presque la même, dans
quelque contrée qu’on les examine. D’ailleurs les animaux
s’accoutument beaucoup plus aisément qu’on ne
TOME III. c