
 
        
         
		3 ia   HI S TOI RE  NA TUR E L L E   
 s’il u’avoit  reçu l’agilité en  partage :  il  se soustrait par.  
 des  mouvemens  rapides  aux  dangers  qui  peuvent  le  
 menacer.  D’ailleurs sa  petitesse  fait  sa  surete ,  et coin,  
 pense sa foiblesse. Il n’est recherché ni par les pêcheurs,  
 ni  par les  grands  habitans  des  mers;  l’exiguité  de  ses  
 membres  le  dérobe  souvent  à  leur  vue;  le  peu  de  
 nourriture  qu il  peut  fournir,  empcche  quil  ne  soit  
 l’objet  des  désirs  des  marins,  ou  des  appétits  des  
 squales.  Il en  est résulté pour  cette  espèce,  cette sorte  
 de  sécurité  qui  dédommage  le  foible  de  tant  de  privations. 
   Pressée  par  la  faim ,  ne  trouvant  pas  facilement  
 à  certaines  distances  des  rivages  les  oeufs,  les  
 vers,les insectes, les mollusques qu’elle pourroit saisir,  
 elle ne fuit  ni le  voisinage  des  vaisseaux,  ni  même  la  
 présence des  squales ,  ou  des  autres  tyrans des mers;  
 elle  s’en  approche  sans  défiance  et  sans  crainte ;  elle  
 joue  au-devant  des  bâtimens,  ou  au  milieu  des  terribles  
 poissons  qui  la  dédaignent;  elle  trouve  dans  
 les  alimens  corrompus  que  l’on  rejette  des  navires,  
 ou  dans  les  restes des  victimes  immolées par  le féroce  
 requin,  des  fragmens  appropriés  par  leur  ténuité  à  
 la  petitesse  de  ses  organes ;  elle  précède  ou  suit  avec  
 constance la proue qui  fend les ondes ,  ou  des troupes  
 carnassières  de  grands  squales ;  et  frappant  vivement  
 l’imagination  par  la  tranquillité  avec  laquelle  elle  
 habite  §on  singulier  asyle,  elle  a  été  bientôt  douée,  
 par les  amis  du  merveilleux,  d’une intelligence particulière  
 ;  on  lui  a  attribué  un  instinct  éclairé  ,  une 
 D E S   P O I S S O N S .   3 i 3 
 prévoyance remarquable,  un  attachement courageux;  
 on l’a  revêtue de  fonctions  très-extraordinaires ;  et  on  
 ne s’est  arrêté  qu’après  avoir  voulu  qu’elle  partageât  
 avec  les  échénéis,  le  titre  de  conducteur  du  requin,  de  
 pilote des vaisseaux. Nous avons  été  bien  aises  de  rappeler  
 cette  opinion  bizarre par  le nom spécifique  que  
 nous avons conservé à ce centronote avec le plus grand  
 nombre  des  auteurs  modernes.  Celui  qui  écrit  1 histoire  
 de  la  Nature,  doit  marquer  les  écueils  de  la  
 raison, Comme l’hydrographe trace sur ses  cartes  ceux  
 où ont  péri  les navigateurs. 
 On voit  sur  le  dos  de  ce  petit  animal,  dont  on  a  
 voulu  faire  le  directeur  de  la  route  des  énormes  
 requins,  ces  aiguillons  qui  appartiennent  à  tous  les  
 poissons compris dans  le  quatre-vingt-onzième genre ,  
 et  dont  la  présence  et  la  position  sont  indiquées  par  
 le  nom de  centronote *  que  nous  avons cru devoir leur  
 donner : mais on n’en compte que quatre au-devant de  
 la nageoire dorsale  du  pilote. Les  cotés  de la queue  de  
 ce  poisson  sont  relevés  longitudinalement  en  caréné.  
 La ligne latérale  est  droite.  Plusieurs bandes  transversales  
 et  noires  font  ressortir  la  couleur  de  sa  parti#  
 supérieure  ,  qui  présente  des  teintes  brunes  et  des  
 reflets  dorés.  Il  paroît  que  le  nombre  de  ces  bandes  
 varie  depuis  quatre  jusqu’à  sept.  Les  mâchoires,  la 
 en  .grec,  signifie  aiguillon ;  et  mtk,  signifie  dos. 
 TOMJE  I.IL  4°