L A T R I G L E MI L A N * .
P l u s i e u r s trigles ont reçu des noms d’oiseaux; on
les a appelées hirondelle, coucou, milan, etc. Il étoit
en effet assez naturel de donner à des poissons ailés
qui s’élèvent dans l’atmosphère, des dénominations
qui rappelassent les rapports de conformation, de
facultés et d’habitudes, qui les lient avec les habitans
de l’air. Aussi ces noms spécifiques ont-ils été imposés
par des observateurs et adoptés assez généralement,
même dès le temps des anciens naturalistes; et voila
* Trigla milvus.
Belugo, c’est-à-dire, étincelle, dans plusieurs départemens méridionaux
de France.
Galline, ibid. . . .
Organo , dans la Ligurie.
('occo , dans les deux Siciles.
Trigla lucerna. Linné, édition de Gmelin.
Trigle milan. Daubenton, Encyclopédie méthodique.
Id. B o n n a t e r r e , p la n ch e s d e l ’ E n c y c lo p é d ie m é th o d iq u e .
Trigla rostro parùm bifido, lineâ laterali, ad caüdam bifurcâ-. Artedi,
gen. 45 , syn. 78.
Milan marin. Rondelet, première partie, lie. 10 , chap. 7.
Aldrov. lib. 2 , cap. 58 , p. 276.
Lucerna, milvus, et milvago. Gesner, p. 497 ; et (germ.) fo l . 17, »•
Lucerna Venetorum. Willughby, p. 281.
Raj. p. 88.
Cuculus. Salvian. fo l. 190, 191.
Gtonov. Mus. I , n. 100; Zooph, p. 84, n. 284,
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pourquoi nous avons cru devoir en conserver deux.
La trigle milan a été aussi appelée , et même par plusieurs
célèbres naturalistes, lanterne, ou fanal, parce
qu’elle offre d’une manière assez remarquable la propriété
de luire dans les ténèbres, qui appartient non
seulement aux poissons morts dont les chairs commencent
à s’altérer et à se décomposer, mais encore à
un nombre assez grand d’osseux et de cartilagineux
vivans *. C’est principalement la tête du milan , et particulièrement
l’intérieur de sa bouche, et sur-tout son
palais, qui brillent dans l’obscurité, de l’éclat doux et
tranquille que répandent, pendant les belles nuits de
l’été des contrées méridionales, tant de substances
pliosphoriques vivantes ou inanimées. Lorsque dans
un temps calme , et après le coucher du soleil, plusieurs
centaines de trigles milans, exposées au même
danger, saisies du même effroi, emportées hors de
leur fluide par la même nécessité d’échapper à un
ennemi redoutable, s’élancent dans les couches les
plus basses de l’air et s’y maintiennent pendant quelques
instans, en agitant leurs ailes membraneuses,
courtes à la vérité, mais mues par des muscles puis-
sans, c’est un spectacle assez curieux que celui de ces
lumières paisibles qui montant avec vitesse au-dessus
des ondes, s’avançant, retombant dans les flots, dessinant
dans l’atmosphère des routes de feu qui se
* Voyez le D is c o u r s su r la n a tu r e d e s p o is s o n s .