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 une  nourriture  abondante  aux  habitans  de  la  campagne. 
 On  a  bien  senti  les  avantages  de  cette  grande multiplication  
 des  poissons  utiles  ,  dans  presque  tous  les  
 pays  où  le   progrès  des  lumières  a  mis  l ’économie  
 publique  en  h o n n eu r ,  et  où  les  gouvernemens,  profitant  
 avec  soin  de  tous  les  secours  des  sciences  perfectionnées  
 ,  ont  cherché  à  faire  fleurir  toutes  les  branches  
 de  l ’industrie  humaine.  C ’est  principalement dans  
 quelques  états  du  nord  de  l’Europe  ,  et  notamment  en  
 Prusse,et  en  S u èd e ,  qu’on  s’est  attaché  à  augmente r  
 le   nombre  des  individus  dans  ces  espèces  précieuses ;  
 et  comme  un  gouvernement  paternel  ne  néglige  rien  
 de  ce  qui  peut  accroître  la   subsistance  du  peuple  dont  
 le   bonheur  lu i est c o n fié ,  et  que les  soins  en  apparence  
 les  plus  minutieux  prennent  un  grand  caractère  dès  
 le   moment  où  ils  sont  dirigés  vers  l ’u tilité  p u b liq u e ,  
 on  a  porté  en  Suède  l’attention  pour  l ’accroissement  
 du  nombre  des  poissons  jusqu a  ne  pas  sonner  les  cloches  
 pendant le   temps  du  frai  des cyprins brèmes ,  qui  
 y   sont  très-recherchés  ,  parce  q u ’on  avoit  cru  s’apper-  
 cevoir  que  ces  animaux,  effrayés  par  le  son  de  ces  cloches, 
   ne  se  liv ra ien t pas d’une manière  convenable  aux  
 opérations  nécessaires  à la  reproduction  de leu r espèce.  
 Aussi  y   a - t-o n   souvent  re cu e illi  de  grands  fruits  de  
 cette  vig ilan ce   étendue  aux  plus  petits  d é ta ils ,  e t r  
 par  exemple  ,  eu  1749  ,  a-t-on  pris  d’un  seul  coup  de.  
 f ile t ,  dans  un  lac  voisin  de  N o rd k iæp in g ,  cin quan te 
 SUR  L A   N A T U R E   DE S   POI S SONS .   xliij  
 mille  brèmes  ,  qui  pesoient  plus  de  n e u f mille  kilo grammes. 
 Et  comment  n’auroit-on  pas  ch e rch é ,  dans  presque  
 tous  les’ temps  et  dans  presque  tous  les  pays  civilisés  ,  
 à multiplier  des  animaux si  nécessaires  aux  jouissances  
 du  riche  et  aux  besoins  du  p a u v r e ,  qu’il  seroit  plus  
 aisé  à  l ’homme  de  se  passer  de  la  classe  entière  des  
 o is eau x ,  et  d’une grande   partie  de  celle  des  mammifères  
 ,  que  de  la   classe  des  poissons ? 
 En  e ffe t,  il  n’e s t ,  pour  ainsi  dire ,  aucune  espèce  de  
 ces  habitans  des  eaux  douces  ou  s a lé e s ,  dont  la   chair  
 ne  soit  une  n ou rritu re   saine  et  très-souvent  copieuse. 
 Délicate  et  savoureuse  lorsqu ’elle  est  fraîche  ,  cette  
 chair, recherchée avec tant de raison, devient,lorsqu’elle  
 est  transformée  en g a r u m ,   un assaisonnement p iq u an t;  
 fait  les  délicès  des  tables  somptueuses,  même  très-loin  
 d u   rivage  où  le  poisson  a  été  p ê ch é ,  quand  elle  a  été  
 marinée  ;  peut  être  transportée  à  de  plus  grandes  
 distances,  si  on  a  eu  le  soin  de  l ’imbiber  d’une grande  
 quantité  de  sel  ;  se  conserve  pendant  un  temps  très-  
 lo n g ,  après  qu  elle a  été séchée,  e t,  ainsi  prépa ré e,  est  
 la  nourriture  d un  très-grand  nombre  d’hommes  peu  
 fortunés  ,  qui  ne  soutiennent  leu r  existence  que  par  
 cet  aliment  abondant  et  trè s-peu  cher. 
 Les  oeufs  de  ces  mêmes  habitans  des  eaux  servent  
 à  faire  ce  c a v ia r   qui  convient  au  goût  de  tant  de  
 nations;  et  les  nageoires  des  espèces  que  l ’on  croiroit  
 les  moins  propres  à  satisfaire  un  g o û t  d é licat,  sont