LA TRI G L E A S I A T I Q U E 1.
L es tableaux génériques montrent les différences qui
séparent les trigles des prionotes et des dactjloptères.
Mais si leurs formes extérieures ressemblent assez peu
à celles de ces deux derniers genres, pour que nous
ajons dû les en séparer, elles s’en rapprochent beaucoup
par leurs habitudes; et presque toutes ont,
comme la pirapède, le pouvoir de voler dans l’atmosphère
, lorsque la mer ne leur offre pas un asjle assez
sûr. Elles sont d’ailleurs, comme les dactjloptères et
les prionotes, extrêmement fécondes : elles pondent
souvent jusqu’à trois fois dans la même année; et c’est
cette reproduction remarquable que plusieurs anciens
Grecs ont voulu désigner par le nom de rpiyXij, rpiyxa,
rpiyXiç, rpiyXoç, corrompu de rpiyovoç, en latin ter pariais
(qui produit trois fois) Y De même que les pirapèdes,
elles volent et nagent en troupes nombreuses ; elles
montrent une réunion constante; et quoique la simultanéité
des mouvemens et des manoeuvres de milliers
d’individus ne soit pour ces animaux que le produit
d’un danger redouté à la fois par tous, ou d un besoin
1 Trigla asiatîca.
Id. L inné , édition de Gmelin.
p Voyez Oppien, i , 59.0; et Élien, X , chap, 1.
ao-issant sur tous dans les mêmes momens, elles n’en
présentent pas moins 1 apparence de cette société tou-
chante et fidèle, qu’un sentiment mutuel fait naître et
conserve. Peintes d’ailleurs de couleurs très-vives, très-
variées, très-agréables, elles répandent souvent l’éclat
du phosphore. Resplendissantes dans leurs tégumens,
brillantes dans leur parure, rapides dans leur natation,
agiles dans leur vol, vivant ensemble sans se combattre,
pouvant s’aider sans se nuire, on croiroit devoir les.
comprendre parmi les êtres sur lesquels la Nature a
répandu le plus de faveurs. Mais les dons quelles ont
reçus ne sont presque tous que des dons funestes;
et comme si elles avoient été destinées a donner à
l’homme des leçons de sagesse et de modération, leur
éclat les trahit et les perd ; la magnificence de leur
parure les empêche de se dérober a la recherche active
de leurs ennemis; leur grand nombre les décèle lorsqu’elles
fendent en troupes le sein des eaux salées;
leur vol les livre plus facilement.à l’oiseau de proie ;
et leurs attributs les plus frappans auraient bientôt
amené la destruction de leurs espèces, si une fécondité
extraordinaire ne réparoit sans cesse, par la production
de nouveaux individus, la perte de ceux qui
périssent victimes des tjrans des mers , ou de ceux de
l’atmosphère.
La première de ces trigle^condamnées par la Nature
à tant de périls, à tant d’agitations, à tant de traverses „
est, dans l’ordre que nous nous sommes prescrit,celle