de rendre à la mer ceux de ces poissons que les
pêcheurs prenoient avec leurs lignes ou dans leurs
filets; et par cette atteri'tion bien facile et bien simple,
mais soutenue, les scares multiplièrent promptement
et devinrent très-communs auprès des côtes italiques,
dans le voisinage desquelles on n’en avoit jamais vu
auparavant. Ce fait est plus important qu’on ne le croit,
et pourroit nous servir à prouver ce que nous dirons,
avant de terminer cette histoire, au sujet de l’acclimatation
des poissons, à ceux qui s’intéressent à hi
prospérité des peuples.
Le commentateur d’Aristote, l’Égyptien Philoponus,
a. écrit vers la fin du sixième siècle, ou au commencement
du septième, que les scares produisoient quelque
son, lorsque, placés à la surface- de la mer, et
élevant la tête au-dessus des ondes, ils faisoient jaillir
l’eau de leur bouche avec rapidité. Peut-être en effet
faudra-t-il attribuer à ces eheilines la faculté de faire
entendre quelque bruissement analogue, et par sa
nature, et par sa cause, à celui que font naître plusieurs
trigles et d’autres espèces de poissons cartilagineux
ou osseux, dont nous avons déjà parlé *.
Dans le temps du grand luxe des Romains, le scare
étoit très - recherché. Le poète latin Martial nous
apprend que ce poisson faisoit les délices des tables
les plus délicates et les plus somptueuses; que son foie
Voyez le Disc (furs sur la nature des poissonsétoit
la partie de ce poisson que l’on préféroit ; et que
même l’on mangeoit ses intestins sans les vider, ce qui
doit, moins étonner lorsqu’on pense que cet osseux ne
vit que de végétaux, que de voir nos gourmets modernes
manger également sans les vider, des oiseaux
dont l’aliment composé de substances animales est
sujet à une véritable corruption. Dans le siècle de
Rondelet, ce goût pour le scare, et même pour ses-
intestins, étoit encore très-vif : ce naturaliste a écrit
que cet osseiix dévoit être regardé comme le premier
entre les poissons qui vivent au milieu des rochers,
que sa chair étoit légère, friable, facile à digérer,
très-agréable, et que ses boyaux, qu’il ne falloit pas
jeter, sentoient la violette. Mais le prix que l’on don--
noit du scare, à l’époque où Rondelet a publié son
Histoire des poissons, étoit bien inférieur à celui qu’on
en offroit à Rome quelque temps avant que Pline ne’
mît au jour son immortel ouvrage. Ce poisson entroit
dans la composition de ces mets fameux pour lesquels
on réunissoit les objets les plus rares,,et que l’on
servoit à Vitellius dans un plat qui, à cause de sa
grandeur, avoit été appelé le bouclier de Minerve. Les
entrailles du scare paroissoient dans ce plat avec des
cervelles de faisans et de paons-, des langues de phé-
nicoptères, et des laites du poisson que les anciens
appeloient murène, et que nous nommons murénophis.
Au reste,1 ce ne sont pas seulement les plantes marines
qui conviennent au scare : il se nourrit .aussi de