
10 SUPPLEMENT DE L’ANT. EXPLIQ^ Liv. I.
Pl. II. prefentent fouvent le Tems lie' avec des cordes, on lui mec auffi la faylx.
! Le premier’'que nous donnons ici eft lié d'une maniéré allez fingulierej
le lien qui deicend entre les jambes,, fe divife en deux bandes, & chaque’
bande elt attachée au deffiis de la cheville du pied. On ne voit pas où tient
Iautre bout du lien, parce que l'image ne montre qu’un côté, & que ce
lieneft attache derrière : je ne crois pas qu il puiffe tenir ailleurs qu’à la
ïiailïànce des ailes. En effet fi Jupiter a lié lès pieds pour arrêter là courfe
immodérée, il devoit auffi lier les ailes dont le mouvement eft encore plus
rapide que celui des pieds. Ces liens écoient de lainç , félon Apollodore
cité par Macrobe, donc voici le paftage : S a tu rn e , d i t Apollodore, eft lié p en d
a n t l'année de liens d é laine ; mais i l eft d é liv r é de fe s liens au jo u r de f a f ê t e ,
q u i -eft au mois de Décembre. D e-là v i e n t le p ro verb e q u i d i t que les d ie u x ont
des p ie d s de laine. Ceci peut fe rapporter à ce que dit un certain Gany-
mede dans le feftin de Trimalchion : les d ie u x f e f o n t caches^ comme des rats.
11 f a u t qu ils citent les p ie d s env elo p p e ^ de la in e , f ) cela parce que nous manq
uons de p ie té & de religion ,- mais cela fe prend un peu différemment dans
ces deux paflages. Le premier dit que les dieux ont des pieds de laine, parce
quils vont lentement dans la punition du crime, quoi qu’ils ne le laiffent
jamais impuni,& qu’ils compenfent ce retardement par la rigueur du fupplice;
au lieu que Ganymede veut dire que les dieux fe font cachez; qu’on ne les voit
plus, qu on ne les entend pas plus ni aller ni venir au fecours, que s’ils avoient
les pieds enveloppez de laine ; que quand on les invoque ils font la fourde
oreille, à caufe de l’impieté & de l’irréligion qui regnoit en ce tems-là :
ceci s entendoit des dieux en general. Pour ce qui regarde Saturne, qui
eft lie toute 1 annee de liens de laine , & qui n’eft délié qu’àlu jour de la
fête qui venoit le dixiéme mois ; cela marque, dit Apollodore, le fétus qui
eft dans le ventre de la mere, & qui n en fort qu’au dixiéme mois, reftanc
cependant lié des doux liens de la nature jufqu’à ce qu’étant parvenu à une
certaine grandeur, il forte pour voir la lumière du jour. Tant il eft vrai
que ces allégories le tournent comme on veut.
11 h La faulx qu’il tient fe donne ordinairement à Saturne & au Tems.
Cette faulx marque, dit-on, qu’il a châtré le Ciel fon pere : cela veut dire,
serum hand raro confpiciebatur: cum falce quoque
depingebatur. Imago illa 1 quam primam loca-
mus, hominem fingulari modo alligatum exhibec.
Vinculum inter tibias delapfum in fafcias duas di-
viditur, qua: (alcix utrinque fuper malleolos härene
annexe. In pofteriore autem parte quo loco
vinculum annexum fit non videmus : quoniam altera
tantum fimulacri facies confpicienda ofFertur ,
& in pofteriore vinculum connexum fuit, nec fane
video quid aliud pofiit, quam nafeentes alas, colli—
gare. Certe fi Jupiter pedes ejus vinxit ne immo-
deratum curfum haberet, multo magis debuit etiam
alas vincire, quae velociorem quam pedes motum
habent. Ha»c vincula lanea erant, audbore Apollo-
doro apud Macrobium Satur. i. c. 8. cuius haec funt
verba.Saturnum Apollodoms alligari ait per annum
laneo vinculo, & folvi ad diem fibi feftum , id efi,
menfe hoc Decembri: atejue <nde proverbium duElum \
deos laneos pedes habere. Hxc quidpiam affinitatis
habere videntur cum hoc dido Ganymedis cu-
jufdam in ccena Trimalchionis apud Petronium :
Nunc dti tamquam mures. Itaque dli pedes lanatos
habent, quia nos religioß non furnus. Sed in ambobus
locis hæc vario modo accipienda finit. Prior nempe
dicit deos pedes laneos habere, quia lento gradu
ad fcelerum vindi&am procedunt, etfi inulta nun-
quam crimina relinquant, fed tarditatem fupplicii
gravitate compenfent : Ganymedes vero id vult
lignificare, deos fefe abdidifle, neque ultra fefe
confpiciendos praebere , neque magis incedentes
audiri, quam fi pedes lanuginofos haberent : furdo
cani cum invocantur, eo quod tunc temporis
nulla pietas, religio nulla effet. Verum hæc de diis
omnibus didta finit. Quod autem ad Saturnum at-
tinet, quitoto anni decurfu lands vincrulis alliga-
batur, & qui in Saturnalibus, tantum decimo menfe
celebrari folicis, folvebatur : his fignificari ait
Apollodorus , decimo menfe fernen in utero anima-
tum in vit am grandefem ; quoi dome erumpat in lucent
, mollibus natura vinculis detinctur. Ea quippe
eft allegoriamm namra, ut quameumque in partem
convcrtas, perinde adaptetur.
I II. Falx , quam tenet vir ille aliger , Saturno
atque Tempori vulgo datur : ilia veto fignificatur,
aiunt, Saturni patrem a filio fuiiTe caftratum : ut
veto aliis placet, illo indicatur Tempus omnia fe-
S A T U R N E . h
félon d’autres, que le Tems .fauche. & moiffonne tout. Pourquoi cette faulx
a-t’elle ici deux lames & deux cranchans? Il ne faut point douter que ce ne foit
quelque allégorie ; car on en faifoit fur toutes chofes en ces tems-là. Mais
il eft difficile de penetrer dans 1 idee de celui qui a fait graver certe pierre
Il pourroit bien fe faire que ,cette double faulx. fignifieroit les deux operations
qu’on attribue à Saturne celle de châtrer le ciel fon pere, dont parle
Apollonius dans fon quatrième .livre des Argonautes v. 985-. & celle de couper
les bleds & les autres moiffons que décrit Macrobe dans fes Saturnales
1. 7. p. 18*7. Janus,, dic-il, ordonna qu'on honorât Saturne d’un culte de religion
, comme 1 auteur d une meilleure vie ; c eft ce que marque là ftatuë
à laquelle il donna la faulx, fymbole de la moiffon. On ne finiroit point fi
l’on vouloit rapporter tout ceiqueles auteurs & les mythologues difent-à
1 occafion de cette faulx de Saturne ou du Tems. .
■ n ^ Peut-'etre Pas fans myftere,;que tout de même que le lien qui
n’étoit d’abord qu’une bande, fe divife enfuite en deux liens, un pour chaque
jambe ; la faulx auffi qui n’a qu’un manche ,■fe divife en deux lames ;
ce rapport peut renfermer quelque.allégorie-, mais ce.feroit trop hazarder
que de vouloir l’expliquer. .
. I V. Ce que dit ci-deffus Macrobe, que .Saturne qui étoit lié toute l'année,
etoit délié âu dixième mois, a rapport a la grande fête des Saturnales
c[ui fe celebroit au milieu de Décembre ,. où les efclaves & les ferviteurs
-croient^ comme déliez des liens de la fervitude : les maîtres les faifoienc
afïèoir a leurs tables, ou ils les fervoient eux-mêmes. Ils avoient la liberté
ces jours-la de joiier, de fe divertir, & d agir comme les ,maîtres de la
maifon. Les Grecs qui pretendoient que les Romains avoient puifè chez
eux leurs .dieux j leur culte & leur religion,-difoient que les. Saturnales'ôc
d autres fetes femblables aux Saturnales avoient pris. leur , origine chez eux ;
”voici ce qu en rapporte Athenee 1. 14. p. g^g. « On nous apporta lès' fécondes
tables, comme.on fait fouventmême hors du tems des Saturnales- «
fêtes où les Romains font un-feftin à.leurs, efclaves-& à leurs domefti- «
ques , & les fervent a table. Cette coutume s’obfèrve chez les Gr-ecs».’à
On fait a peu près la meme' chofe dans l’Ifle de Crete aux fêtes de-Mèr- «
cure , comme le raconte Caryftius dans fes commentaires hiftoriques-: là «
pendant que les domeftiques font grande chere à table, les maîtres font «
eare atque metere. Sed cur iu falce'Saturni du-
plex lamina duplexque acies ? Ilia unique, in re
cjuædam includicur allegoria :nam temporibus illis
bene multa allegorice exprimebantur. Ac in
mentem ejus qui gemmam iniculpi juffit, qua ar-
te ingrediaris ? Duplici force illa falce fubindican-
tur binæ illæ operaciones quæ Sacurno tribuüncur :
altéra nempe qua cælum patrem caftrat, de qua
Apollonius in quarto Argonauticorum libro v. 9S5.
altéra vero qua mellès frugefque fecat, de qua
Macrobius in Saturnalibus 1.1. c.7. Obferuari igi-
tur, in q u iteum jujfit majeftate religionis, qua.fi vit a
mêlions auSlorem : fimulacriim ejus indicio ejl eut
falcem infigne rnejfis adjecit. Nullum haberemus Uxi-
tum , fi illa omnia in medium afferremus quæ de
falce Saturni Scriptores' & Mythologi tradunt.
For taire aliquid arcani" hac etiam in re latec ,
quod quemadmoduip vinculum illud duas in fafeias
dividitur, quæ tibias ambas utrinque devincianc :
faix etiam uni annexa ligno binas emittit laminas
& acies. Ea certe res nefcio qtiid allegoriæ præ fe
ferré videtur. Sed non fine periculo poife puto tarti
arcanæ rei explicationem tentâri. • '• bn/
IV. Id quod Macrobius fupra dicit, Saturnum
toto anni curriculo alligatnm , decimo menfe folvi
, magnam Saturnalium celebritatem fignificat,
quæ medio Decembri agebatur. Tufic férvi quafi
lervitutis vinculo foluti erant. Heri accumbentibùs
ad menfarn fervis miniftrabant : illifque diebus,
fumma-fervis licentia erat ludendi, & ad libitum
omnia peràgendi. Græci qui Romanos àb fe omnia
relidonum jura mutuato's elfe gloriabantur,
Sa:turnalia, aliaque fefta Saturnalibus fimilia apud
fe originem duxifte narràbant : qua de' re audïen-
dus Athenæus'lib. 14. p. ^39. Allau funt fecund,«,
ut vocant-, menfe \ qua fepé nobis offeruntur ,non tantum
per Saturnales dies, quibus fërvos Romani con-
vivio foient exciùere, fervitia minifieria ipfiobeuntes.
Is autem moi efl Gracis. In Creta quippe Alercurii
fe(lis diebus idipfum obfèrvatur, ut feribit Cary fins
in hifloricis commentants ; dura epulantium fervorum
rnërifis miriiftrarit ac famulnniur heri. Idem fit &
Bij