Platon et Svnésius confirment ce que nous apprend l’étude des .monuments.des
diverses époques : ces deux éteforins ¡rapportent qu’il n ’était pasi permis anx.artistes
égyptiens de te n te r quelque chose de. contraire, aux prescriptions .contenaient la
figu re des dieu x : il leu r é ta it défendu d’y in tro d u ire aucun changement ou d’inventer
de nouvelles poses : les conséquences d’un e aussi inflexible immutabilité furent que l’art,
et les règles qui le stéréotypaient ne p u re n t convenir qu ’au peuple Égyptien, aux besoins
intimes duquèl elle donnait, sans aucun doute, satisfaction ; et que les autres peuples,
quand ils v in ren t chez lui se faire in itie r à des principes qui leu r é taient inconnus,
furent contraints, en les adoptant, à des modifications artistiques qui répondissent à
leurs besoins physiques et intellectuels;
11 y eu t êncore une autre conséquence de cette vénération des Égyptiens pour le
style qu ’ils avaient adopté : quand l’Égypte fut tombée sous la domination des
Grecs e t des Romains; leu r re spec t séculaire, leurs préjugés religieux pour leurs
images sacrées détourna de toute innovation dans le style national ; aussi, su r les
murailles des temples, ne voit-on aucune figure sculptée ou ' p e in te ' dans-; l e } style
grec ou romain; bien que les artistes égyptiens, de Ces époques,.' connussent dés
oeuvres de le u rs dominateurs répandues dans la vallée du Nil : ils ne cessèrent
donc jamais de suivre ce style national dans tous les édifices qu ’ils érigèrent.
Cependant l’obligation, dans laquelle nous- nous trouvons, d’affirmer que les
prêtres Égyptiens, en asservissent l’a rt à la religion, ont enrayé son essor, ne nous
e n tra în e :pas ju sq u ’à ne pas voir que, ; tout fautif que fut le style conventionnel,
ta n t pour les formés que pour là couleur, il a pourtant ses attractions. La plupart
des a rtistes : qui visitent les monuments de la vallée du N il'se réconcilient, vite*
avec ses défauts, et finissent .presque toujours par admii*er c e qui leu r avait paru
d’abord s i étrange. Nul n ’a examiné, ;.avec soin, la disposition des tombeaux sans
ê tre frappé de la beauté et de l’harmonie des colorations, du goût déployé dans
les ornemente, dan's: l’exécution artistique des: animaux, enfin de l’effet .magique
de toutes leu rs décorations ;';et quand de l’admiration de ces oeuvres (inspirées par
le culte pour graver dans l'âme des fils le respect pour lès auteurs de leurs jours >
011 p o u rrait presque dire l ’idolâtrie pour le sôûvenir dé le u r passage su r la terre)!
on passe'à la recherche des causes mystérieuses de ce que ’ l’intelligenfee; n ’a pas*
de prime-abord, compris, on se sent pénétré du besoin impérieux: de se les expliquer
à soi-même. •
Alors ce ne sont plus les représentations figurées,'-presque intelligibles, que la
curiosité pousse à contempler; ce sont surtout les oeuvres, qui paraissent avoir un
sens vraiment énigmatique, q u ’on veut, constamment, revoir ; ce sont ces étranges
créations, où tous les règnes de la na tu re semblent avoir été confondus à plaisir,
qu’on somme de nous dévoiler leurs secrets : et, aussitôt que l’esprit cesse de s’étonner
des types hiératiques, la nécessité .des formes hybrides (comme faisant partie d’un tout
qui ne. pou v a it .les repousser.sans se démentir.' à lui-même) s’impose a notre pensée.
Delà, on arrive à regarder les artistes égyptiens comme des illuminés, auxquels ,
il a fallu une. énergie surhumaine pour pouvoir rendre, avec les' ressources bornées de
la nature; tout ce que leu r enjoignait de reproduire le matérialisme su rn a tu re l, qui
fait le fond de l’exégèse du cul ta égyptien.
Il semble,: en effet,,que la mythologie; égyptienne a it été fondée su r des spécu-
latiônsv qui ; n ’offrirent pas b e aucbup.de moyens p ra tiq u e s, su rto u t aux statu aires;
c’est pourquoi l’on dut toujours re courir à des créations énigmatiques, tourmentées:;
où peu de corps pouvaient re s te r tels qu ’ils avaient été cré és; ou plutôt, où peu
de corps eussent pu e n tre r dans leurs: compositions, en re s tan t sous leu r apparence
naturelle ¡¿. Alors ,iL.leur fa llu t des,tètes humaines su r des troncs d’animaux, e t des
têtes/ d’âhimauxi su r des cqrps^humains; alors ils .se v iren t forces de décomposer
les être&.eX-dé:multiplier les monstres ;,,ce qui fit qu’on ne consulta plus la n ature,
n i pour rediièsser les défauta.du dessin, n i pour en adoucir la rudesse.
On dessinait donc,î sans modèles réels, des formés fantastiques qui paraissent
ap p arten ir à; u n u n iv e rs /d iffé ren t du nôtre : Yoilà pourquoi Apulée et Ammien
Marpelliii, en-parlant, de certaines figures symboliques de l’ancienne Égypte, les ont
nommées des animaux d’u n . 'autre monde.
11 est clair; . néanmoins, que c ette m an iè re -d e s’exprimer n’est q u ’une métaphore,
quoique quelques commentateurs a ient été assez dépourvus du sens commun
pour èniconêlurè que les Égyptiens connaissaient l’Amérique : Ils s’appuyaient sur
lès termes'employés p a r . Apulée .p o u r décrire cette ro b e -,de toile p e in te , tout
e n tiè re .couverte de représentations emblématiques, dont on l’affubla lorsqu’il fut
in itié aux mystères d’Isis. .
Les Égyptièns chargeaient même, quelquefois, de tan t de symboles, la tête de leurs
Statues, qu’èlles en paraissent accablées,; tellement semble pesant le fardeau qu ’elles
semblerit soutenir, de leurs efforts.
Devons-nous, après ces déductions,logiques» tenir, compte de l’opinion de certains
auteurs qui: pré tendent que;, s i. le. caractère: sombre des Égyptiens les en tra în a it, le
plus souvent, vers une mélancolie invincible, d’ün au tre Côté, leu r imagination était
d ’une vivacité telle, qu ’abandonnés) à eux-mêmes, dans leurs conceptions allégoriques,
cellesrbi s e ra ien t devenues trop/: bizarres,:. et „se s e ra ie n t par trop multipliées, si la
d é fen se d e ,n e rie n /in n o v e r n ’é ta it pas venue: à ternps pour y m e ttre obstacle.