Égyptiens ont montré beaucoup de goût. Les parties décoratives étaient seules coloriées et se
détachaient sur le fond de granit qui, lorsque le temps n’avait pas encore terni l’éclat du poli,
était d un rouge vif moucheté de noir qui faisait saillir les reliefs, rehaussait harmonieusement
l’ensemble de l'ornementation, et contribuait à sa richesse.
La hauteur de ces élégants piliers, ainsi que la façon dont ils sont placés à l'entrée du
sanctuaire de granit, sembleraient indiquer qu’ils n’ont jamais porté d’architrave; cependant
ils étaient certainement, autrefois, couronnés de quelque emblème royal, probablement de
cartouches ou d’éperviers resplendissants, d’émaux cloisonnés, semblables à ceux qu’on voit
figurés, par les Égyptiens eux-mêmes, sur plusieurs édicules des bas-reliefs de Karnac.
P il ie r s e t h y po g é e s d e Za w ie t e l -Ma y e t in . — x v in " dynastie.
Zawiet el-Mayetin, qui signifie « l’Oratoire des morts », est le.nom d’un petit village de la
hante Êgypte où les habitants de Mynich et des environs vont enterrer leurs morts. Les hypogées
du voisinage, seuls restes d’une ville égyptienne, attestent que ce village a succédé à, une localité
assez importante. Ces tombeaux, taillés dans un calcaire coquillier très-grossier, ont malheureusement
conservé peu de détails de leur décoration ; car la plupart sont d’une époque fort
ancienne, à en juger, soit par le bandeau cylindrique qui décore leur entrée, ou par le stylé
archaïque de leurs bas-reliefs, soit enfin par leurs cartouches royaux qui paraissent remonter à
la v r dynastie.
Deux de ces hypogées, qui ont appartenu à de hauts fonctionnaires, sont surtout remar-,
quables. Ils présentent des piliers de soutènement dont les deux faces principales sont ornées de
colonnettes à fleur de lotus épanouie sculptée en bas-relief. Les piliers du sanctuaire-de
Thoutmès III, à Kamac, rappellent cette conception primitive. C'est aussi la même idée
qu’on retrouve plus tard, A l’époque ptolémaïque, dans quelques beaux chapiteaux des temples
d’Edfou et de Philæ.
Le premier tombeau ne présente plus aujourd’hui qu’une seule pièce soutenue par quatre
piliers dont les faces opposées sont ornées d’une colonnette en relief, de 0 “,0 IS, encadrée par
deux rainures. Son large chapiteau, à fleur de lotus épanouie, n’a malheureusement conservé
aucun reste de couleur. Son sol est fouillé de puits funéraires irrégulièrement creusés.
Le second hypogée, composé de deux pièces et d'un' petit sanctuaire, qui était, il y a peu de
temps encore, presque intact, ne présente plus aujourd’hui qu’une seule colonne dont le ohapi-
teau et l’architrave ont gardé quelques traces de couleurs. L’architrave est divisée en deux bandes :
la première, présente une suite de chevrons, ornement fréquent dans les tombeaux de ,1a
xvn" dynastie et toujours peint en noir. La seconde étale une suite de métopes et de triglyphes
noir et blanc. Le chapiteau déploie des feuilles bleues striées de noir, vertes et orange veinées
de blanc. La tige est verte et toute la colonnette saillissaitjsur un fond de granit.
Les bas-reliefs qui décorent ces tombeaux montrent des édicules soutenus par des colon-"
nettes semblables à celles des piliers, et me portent à croire que l’architecture en bois en faisait
usage à cette époque.
Ces deux hypogées contiennent, en outre, des scènes variées, presque, toutes relatives aux
arts et métiers, aux travaux agricoles, à la chasse, à la pêche. C’est du second tombeau, que
j'ai tiré la scène des mariniers qui joutent, à coup de gaffes et et d avirons sur des batelets
de papyrus. Ces rixes devaient être fréquentes, car elles sont le sujet favori des artistes dans
tous les tombeaux de cette époque et de celle qui précède, ce qui fournit des parallèles
intéressants.
. P il a s t r e s colonnes q u a l r a n g u là l r es. — Thèbes. — x v m " dynastie.
L’architecture égyptienne fait un fréquent usage de piliers simples ou ornés, et ils offrent
presque autant de variétés que les colonnes proprement dites. On en voit de carrés, garnis d’une
base et ornés simplement de bas-reliefs comme dans le temple de Séti l '1, le Spéos de Derr et
dans la plupart des tombeaux ; on en trouvé aussi qui sont décorés de colounettes appliquées
comme les piliers du sanctuaire de Kamac, et ceux des. hypogées de Zawyet el-Mayetin; enfin
on en voit ayant uijjbase et une corniche en guise de chapiteau ou avec des masques d'Hathor
surmontés 'd'un édicule.
Je distingue ces deux derniers par le nom de pilastre où colonne quadrangulâire à cause de
leur ressemblance avec les colonnes.
Le mot pilastre comporte toujours l’idée d’une colonne quadrangulaire isolée: comme on le
voit ici ou engagée dans les murs, et je l’ai adopté pour distinguer les simples piliers des
colonnes quadrangulaires.
Les pilastres isolés sont rares dans l’architecture an tiq® grecque ou romaine, mais très-
fréquents dans l’architecture égyptienne, cù ils offrent presque autant de variétés que les colonnes
proprement dites.
J’ai reproduit, dans Cette planche, les plus beaux spécimens connus de piliers couronnés
d’une corniche ôuichapiteau. Ils se trouvent à Thèbes, datent tous deux de la même dynastie, à
quelques années d’intervalle, et présentent, malgré cela, dans leurs proportions, d’énormes
différences. L’un est svelte, élancé; l’autre est massif, trapu : diversité née du manque d’un
canon de proportions, faute duquel l’architecte n’a guère pu avoir que son goût pour arbitre.
Malgré sa lourdeur, le second pilier, décoré dans sa partie inférieure de lignes qui rappellent
Tornementatién du chapiteau, est plus complet dans son ensemble que celui dont le bas est simplement
colorié en imitation de granit; mais celui-ci rachète ce défaut par l’élégance de ses
proportions. . . . ,
Le premier pilastre, qui a 5“ ,33 de hauteur, est tiré d’un petit édifice d’Aménophis II, qui par
son plan ressemble à un palais, tandis que par sa décoration il paraît être un temple dédié à la
principale divinité de Thèbes. Le bas-relief colorié qui le décore représente le pharaon faisant
offrande à Amoura, chef de la Thêbaïde.
Le second pilastre, perdu aujourd’hui dans les constructions industrielles du pacha, avait
A mètres de hauteur. Il faisait partie d’un petit édifice de Amounêph 111 dont les ruines se
trouvent près du temple de Maut. Le pharaon est représenté faisant offrande à la déesse Hàthor,
dame de Hân.