tantôt p o rtan t ces enfants su r l’épaule, dans un sac qui vient se ra tta ch er à leurs
fronts par une lanière, elles cambrent grotesquement les reins pour se former un
p o in t d’appui.
« Mais en tre tous ces tableaux si animés, si parlants, si vrais, il en est quelques-
uns plus frappants que les autres, plus expressifs, plus savamment, peut-être plus
amoureusement tracés. Sur les murs de c a lca ire ¿ Ijan c , doucement aplanis, de la
salle d’h onneur des hypogées royales, les portraits des pharaons ont été peints et
gravés, avec une telle exactitude de contours et d’expression, que, d’une extrémité
de l’Egypte à l’autre, on reconnaît chacun d’eux sitôt qu’on le voit reproduit su r les
monuments qu ’il a bâtis. L’un d’eux, scribe royal et chef des archers, le propre fils
de Rhamsès II, brille, entre tous par sa beauté surhumaine. Debout, de front c e in t
d’un bandeau doré à larges*cocardes bleues et or (dont les deux pans carrés, rehaussés
de plaquettes et de crépines d’or, comprimant u n e abondante chevelure, tombent
droits su r les épaules); u n gorgerin d’or e t de perles bleues*'étroitement adapté au
h au t du buste, des cercles aux av an t-b ra s, il est vêtu d ’une simple calasiris de
mousseline transparente : Son tein t lé g è rem en t carminé, son profil p u r, son bel oeil
doux et bienveillant, ses lèvres vermeilles sur lesquelles on croit voir voltiger un
c h arm an t sourire, Aâ tête petite, fière, mais empreinte d’une grâce presque flm i-
n in e , reproduisent le beau type égyptien avec toute sa saveur originale', ses lignes
fermes et pures, e t son caractère à la fois sensuel et élevé. À quel genre de beauté
ne p eu t-o n comparer la sienne? Quelle oeuvre antique ou moderne reproduisit
jamais plus largement, plus admirablement le simple trait, divin contour de la
figure h umaine; ce tra it, lo désespoir de l’artiste, le ch ef-d ’oeuvre de la nature,
c e . tra it si' simple, ce tra it vivant?
« Les hypogées ren fe rm en t cependant d ’autres fresques également remarquables,
dans lesquelles les artistes cherchè rent certainement à violer la règle qui les
tourmentait. L’une d’elles, qu ’on peut voir encore dans le tombeau de Rhamsès-
Meiamoun, à Thèbes, est véritablement saisissante d ’expression, de mouvement et de
vérité : deux joueurs de harpe, aveugles, la tête rasée, enveloppés, des épaules à la
cheville, de robes flottantes, s’arc-boutant su r l'énorme in strum en t qu’ils embrassent,
semblent savourer le doux son des cordés vibrantes : l’un d’eux, le bras levé, l’autre
étendu, les bras reployés, dans une pose pleine de vigueur, dans un e attitude
pleine d’abandon' : Et ces deux hommes, dans la force de l’âge, ont des cous de
taureau richement musclés. Les harpes, fait étrange, ressemblent exactement, par
la disposition et les dimensions, aux harpes; modernes. Leur seule décoration,
véritablement splendide, n ’a jamais été imitée; leurs peintures sont si fraîches, qu ’on
d ira it que les harpistes viennent de tirer ces lourds e t b rillants instruments de
leurs étuis de maroquin vert. Chacun d’e u x ‘est placé devant l’image assise du dieu
Mouï, fils du Soleil. Assis su r son trône de marqueterie, le fro n t couronné de plumes
d’autruche, le pectoral d’or au cou, la barbe osiriennè au menton, le dieu écoute
gravement le son des harpes, te n an t pn main les emblèmes de la vie et de la
pureté.
« Les femmes partagent avec les dieux e t le s rois les honneurs de reproductions
nombreuses, fidèles et savantes. Tantôt on les rencontre isolées, tantôt réunie s en
groupes. Les plus charmants sont incontestablement ceux des musiciennes et des
danseuses. Quelques hypogées de Thèbes ont encore conservé ces adorables tableaux,
qui datent de près de quatre mille ans. Là, su r ces murs recouverts d’u n en d u it
lilas ou gris de lin , , on peut revoir encore ces jeunes filles vêtues de longues robes
de gaze flottante, qui laissent deviner et souvent briller, au grand jo u r leurs formes
juvéniles, leu r taiie- élégante e t souple, # -jusqu’au ton doré de leu r jeu n e chair.
Les unes, les cheveux tordus en fines cordelettes, les autres, les cheveux crêpelés,
le front couvert d’un bandeau que relève gracieusement u n bouton de lotus ouvert :
toutes, parées de colliers de grains de corail, de disques d’oreille aplatis, de bracelets
de pierres vertes, de pâte vitreuse e t de lapis ; toutes, les re in s sanglés d étroites et
licencieuses c ein tu re s, ten an t en tre leurs doigts effilés des- mandores à longs
manches d’où pendent des houppes rouges, gonflant leurs brunes joues pour souffler
dans la flûte ¡¡f deux tubes, frappant du plat des doigts la double peau tendue des
tambourins carrés, frôlant du bout des ongles les cinq cordes de la lyre, ou bien
secouant en l’a ir des cistres de bronze à têtes d’IIathor; toutes m archent su r deux
files, tournent paresseusement su r elles-mêmes, en s’appuyant su r le bout du pied, ou
bien elles s’agenouillent, elles se frappent la poitrine de leurs petits poings, fermés;
ou bien encore elles se balancent p a r un mouvement cadencé, re je tten t alors le
buste su r les- hanches, et, le menton gentiment appuyé sur 1 épaule, elles s éloignent
en souriant à la lente danseuse q u ille s suit.
« Ne sont-ce pas là des tableaux pleins de jeunesse, de grâce e t de fraîcheur? La
plume, hélas! est impuissante, lorsqu’elle veut exprimer le parfum voluptueux qu ’ils
dégagent. Les grandes lignes du dessin, d’une sérieuse élégance, quoique empreintes
encore de la gravité traditionnelle, échappent, par places, à la règle" austère. Le
moindre mouvement des danseuses désencastre leurs fluets contours de son étroit
emprisonnement, comme le balancement de l’arbuste délivre u n tendre bourgeon
des rudes étreintes de l’écorce. La ligne, violentée, se dégage çà e t là de la torture
hiératique. 0 sacrilège! voilà que la perspective des épaules s’accentue. Le buste