Leurs premières statues, fu ren t droites Æt roides, eu ren t les Jambes collées, les
pieds Joints et les bras pendants de chaque côté, ou croisés sur la poitrine : il s’en suivit
que les dernières statues ressemblèrent aux premières, détails pour détails. Destinées-,
en outre, ordinairement, à être adossées à des murailles, à des pylônes ou à des piliers,
elles empruntèrent à l’architecture ces formes régulières et monumentales. : aussi, soit
qu’elles fussent debout, soit qu ’elles fussent assises, exprimèrent-elles presque toujours
le repos. Debout, elles ressemblent, à. des compernes dont les bras; sont collés au corps,
ou elles marchent d ’u n pas roide e t mesuré ; assises, elles se distinguent par; l’immobilité
complète .e t la régularité de leu r pose; leun. tê te ronde p a r d e rriè re ;.le s oreilles
élevées au-dessus des yeux, e t ceux-ci extrêmement fendus.
Les artistes, au lieu de tracer l ’iris e t de marquer la prunelle, laissaient .le globe
u n i et solide; mais il est bon d e ,rem a rq u e r q u e ,. comme toutes leurs statues étaient
peintes, ce défaut disparaissait avec la,couleur.
Enfin, la taille est étroite au-dessus des hanches ; les os, les muscles e t les veines
y sont faiblement exprimés, ou, totalement oubliés.
On s’aperçoit aisément que c’est.volontairement que, dans la manière de tr.aiter les
formes corporelles, les détails sont complètement négligés étalés ¿nasses seules indiquées
: car cette manière de faire ne manque pas' d ’une c ertaine justesse et produit
une grande impression, à cause de la simplicité des lignes sinueuses. Ainsi toutes les
formes é taient plutôt géométriques qu ’organiques, de sorte que la vie et la chaleur n ’an
im a ien t aucune des parties qui.composent l’ensemble, e t que chacune d’elles était
modelée su r u n type national par les artistes, qui ne s’écartaient jamais du système de
proportion établi.
Si l’on observe parfois quelques différences dans les proportions e t les formes de
la sculpture, elles ne sont dues qu ’aux différences des époques, très-distantes l’une de
l’a u tre , ou de contrées de moeurs dissemblables.
Il n ’y a pas. ju sq u ’aux vêtements, qui, s’ils sont traités avec soin, ne .se fassent
aussi remarquer par leu r rigidité. Chez les anciens Égyptiens, les yêtements nouYraient
à peine le nu, et les hommes ne portaient souvent' que des morceaux de toile roulés
au to u r d es.reins ou encore des chites de coton; mais si elles é taient minees et légères
comme nos mousselines, ces chites formaient, cependant, lorsqu’elles é taient empesées,
des plis bien droits e t saillants. : aussi voit-on les ra ie s de l ’étoffe indiquées, au moyen
de la s culpture , ou.simplement à l’aide d’un pinceau.
La sculpture égyptienne a produit les plus grands spécimens connus : aussi la taille
de ces statues est-elle souvent colossale; mais ces colossesuffrent, presque fous, une
étonnante harmonie dans ce passage des proportions de la n a tu re aux proportions gigantesques
créées par l’art; Tel est l’effet produit par la tête effrayante du Sphinx voisin
des Pyramides-de Ghizeli^l quoique tou te-mutilée p a r les Arabes et dégradée par le
temps, cette tête de 27 pieds de haut garde encore une expression douce, gracieuse et
pleine de calme. Ses lèvres,5 « c’esfe!ce’ qu’élle a de mieux conservé », ‘on t lé mouvement
de la vie : disons cependant qu ’au p remier coup d’oeïl la côrrection de cette figure
échappe quelquefois aux regards peu attentifs, e\ que de n ’est souvent q u ’après u n
examen approfondi qu ’on en découvre toutes lés beautés: ‘
Un autre colosse,- celui du Ramesseum, Ji é prétendu Osymandias, a dû avoir,
d’après les fragments qui subsistent,' une hauteur de 17 à 18 mètres1. 1 Les colosses du
Spéos d’Abousembil, les mieux conservés de l ’Égypte, en donnent, également, la plus
complète idée.
C’est donc bien à to rt que plusieurs écrivainè;“M. Raoul-Rochette, entre autres,
ont prétendu que les artistes de l’Égypte antique n ’avaient pas su représenter les êtres
humains au moyen de là modification dans la figure, ou d’une distinction réelle dans la
physionomie; en un mof^ qu ’ils n ’avaient pu se faire un p o rtrait proprement dit. Il
suffit d’avoir étudié par soi-même les monuments de la vallée du Nil, pour ê tre resté
frappé de la différence qui existe1-‘entre lés diverses figurés dé fois, en même temps
que de la ressemblance que les statues répétées de ces mêmes personnages offrent d ’une
extrémité à l’au tre de la contrée,.
La statuaire égyptienne fut donc soumise comme l'architecture à l’influence du
monde extérieur, èt tendit comme elle au gigantesque, mais elle ne tenait pas
toujours compte cependant des dimensions a rchite cturales; car ces colosses, quoique
assis, atteignent souvent, et dépassent quelquefois, la h au teu r des temples q u ’ils ornaient
extérieurement.
Les Égyptiens représentèrent souvent leurs dieux par dés’ tètes reposant su r des
blocs de pierre, ou bien par des corps humains à têtes d’animaux. Doit-on en induire
•que ce qui fu t divin, vénérable et. »sacré pour eux, ce fut seulement la matière; le
monde physique dans toutes les m anifestations de son activité.
Pourtant au fu r e t à mesure que l’artiste parvient à triompher de la n a tu re , on le
vo.it, ; lu i imposant son propre cachet, dégager les formés vraies de cette enveloppe
grossière, et- tailler un torse et .des membres dans ce bloc qu ’il avait primitivément
c ra in t de dépouiller du caractère sacré de la matière. Puis ori le voit oser enfin constate
r au milieu du monde extérieur une individualité nouvelle, l’individualité humaine.
Là s’arrêta l’émancipationartistique égyptienne; il était suffisant, selon eux, d ’avoir
élevé ces souvenirs de leur existence;1 de leu r passage sur la te rre ; ils ne pouvaient
aller plus loin, parce que, pour symboliser la lu tte contre ' le'mauvais principe qu ’ils