On le reconnaît, surtout, dans les stèles funéraires : les morts* en l’h onneur desquels
ces monuments ont été sculptés, sont toujours d ’une plus haute taille que les
autres personnes qui leu r font des offrandes, et, quand les pieds des divers personnages
sont posés au même niveau, les têtes des défunts surpassent toujours celles des vivants;
ou lorsque la circonstance exigeait, pour tous les personnages, la même hau teu r de
tête, les a rtistes représentaient, alors, les morts assis tandis que les autres personnes
sont debout : Il en est de même dans les 'bas-reliefs historiques ; les personnages qui
e n to u ren t le pharaon sont plus petits que lu i et souvent scs écuyers n ’atteignent même
pas à la h a u teu r des chevaux. Ne doit-on pas voir là l’origine de Ylsocéphalie grecque,
d après laquelle les têtes de cavaliers ne se trouvaient guère plus h au t placées que les
têtes des hommes à pied, quand tous deux faisaient p a rtie du même bas-relief comme
on peut le voir su r la frise du P arthenon.
Malgré toutes ces entraves, l’a rt s’est développé su r les monuments- de l ’ancien
empire d u n e manière admirable, su rto u t dans s es,d e rn ie rs temps : le dessin en est
d une fermeté, d’une pureté, e t on peut même dire, d ’une noblesse surprenante ; les
figures ne manquent même pas d’une c ertaine grâce dans les mouvements graves et
sobres. Mais c’est sous les premières dynasties du nouvel empire, que l’a rt atteignit
toute la perfection à laquelle il pouvait parvenir en suivant les errements du passé
nous reviendrons su r ce sujet quand nous aborderons les différentes phases de l’art,
en ce qui concerne la sculpture, qui ne fu t enÉgypte qu’un auxiliaire de l’architecture,
et n e p u t jamais secoue? son joug, n i se passer d ’elle pour marcher, isolément ou avec
indépendance, dans ses propres allures.
Il est, cependant, impossible de ne pas reconnaître que les artistes égyptiens
ignoraient F a rt de grouper leurs figures, ou de combiner et d’agencer les divers
personnages d’une même scène. Chaque sujet é ta it fait de parties isolées, rassemblées,
probablement ensuite, suivant quelques notions générales, mais sans harmonie,
et sans effort préconçu. La figure humaine, les animaux, les objets divers, qu’ils
intro d u isa ien t dans leurs vastes représentations, semblent avoir été composés de la
même manière, c’est-à-dire de membres séparés, e t qu’on a u ra it rattachés, u n à un,
suivant leurs situations relatives; de là vient que l ’expression manque toujours.
La contenance et la physionomie d ’un prê tre ou d’un guerrier y sont identiques ::
q u ’un pharaon brûle paisiblement de l’encens en présence des dieux ou qu’il charge
impétueusement l’ennemi, sa silhouette présente le même caractère, le même regard
inanimé. En outre, la singulière particularité d’un oeil de face, in tro d u it constamment
dans une tête de profil, enlevait aux artistes toute possibilité d’en modifier l ’expression.
Ajoutons encore que jamais ils ne représentaient une tête de face* et vous aurez une
idée de la difficulté d’exprimer les sentiments ou les passions avec des types hiératiquement
consacrés.
Voici comment, suivant nous, on procédait à l’esquisse des grandes compositions :
Quand les murs d’un édifice, où* l’on se proposait- de représenter une scène, étaient
Soigneusement quadrillés p a r une série de lignes- se croisant à anglés droits et à
distances égales, on .dessinait les fig u re s ||e lo n les données do c e t arrangement
mécanique : les carrés réglaient la longueur du corps et la proportion des membres
dans quelque posture que ce fût. On comprend,, dès, lors, comment, aussi longtemps
que en système a été mis en vigueur, aucun grand changement n ’fflp ü avoir’ lieu,
en dehors de la modification introduite dans le canon des proportions, à certaines
époques; modification qui n ’eut, pourtant, d’au tre résultat que de les rendre, de courtes
qu’elles étaient sous; les premières dynasties, très-allongées à la fin de la XVIIIe,
particulièrement sous Ramsès II : voilà pourquoi la forme et le c aractère général
des figures re s tèren t toujours les mêmes. C’est ce qui faisait dire à Platon que les peintures
et les statues exécutées de son temps n’é taient ni meilleures n i pires que
celles faites dix mille ans auparavant.
Cette remarque, prise dans u n sens limité, s’est trouvée toujours vraie, puisqu’à
aucune époque d’intelligents efforts n ’ont- été faits pour approcher du Beau idéal
dans la figure humaine et lui rendre son véritable caractère, e t qu’en to u t temps,
les artistes fu ren t liés par des principes fixes, e t p a r les règles qui prohibaient
tout changement dans la forme : cela se trouva toujours vrai, même pour les
dernières époques, même pour les sculptures des monuments, érigés en Égypte,
devenue province romaine. Tout y é ta it encore Égyptien, mais souvent d’u n mauvais
estyle ; parce , que, toutes les fois que les artistes essayèrent de donner aux détails
plus de précision, et qu’ils fu ren t entraînés à substituer l’ornement à la simplicité
antique, cette tentative de se rapprocher de la na tu re dans les détails ou les proportions
de la figure humaine, to u te n voulant, néanmoins, conserver le type conventionnel,
n ’eut d’autre conséquence que de faire apparaître plus grande encore la
difformité préconçue de ce type, e t de démontrer combien sa création était à jamais
incompatible, avec les progrès de l’art.
Maintenant qu ’on nous permette de préciser par des explications de détail,
les aperçus d’ensemble que nous venons d’exposer: on sait que de nos jours, dans
la composition d ’un tableau, trois objets sont req u is: une action principale, un
point de vue et u n moment de la d u ré e ; d’où u n ité d’action, de temps et de point
de v u e : En outre .les proportions e t l’harmonie des parties sont réglées p a r-la
perspective.