290 L'ART ÉGYPTIEN.
que des naturalistes recherchassent si parmi les petits joncs fibreux* qui croissent,
encore de nos jo u rs, su r le sol égyptien, celui q u i servait d’outil p our la p einture pourra
it, comme autrefois, être mis en usage ?
Quant aux gros pinceaux, ils devaient être faits avec tous* les bois dont on fabrique
de nos jours les brosses'à dent. Il est aussi très-probable que les Égyptiens fabriquaient
de gros pinceaux avec des branches d’arak -(lé salvàdora persica), arbrisseau dont les
tiges sarmenteuses et odorantes servent également quelquefois au même usagé-: * dans ce
cas, c’était sans doute les rameaux ligneux de la seconde année qu’ils employaient en
tailladant les troncs mêmes deJl’arbuste et en divisant ses fibres qui deviennent assez
souples sous le marteau.
Il n ’e s t pas permis d’ignorer à notre époque, où de si nombreuses collections d ’anti-*
quités égyptiennes ont vulgarisé' jusque dans les plus petits détails la vie des temps pharaoniques,
que les^artistës égyptiens av aien t'àHlé u r disposition des p alettes en toutes
sortes de matîèrës. Les plus en usage paraissent avoir'été celles d ’albâtre, car ikèii êxiste
chez les collectionneurs un assez grand nombre : ces palettes sont creusées’de sept p etits
godets surmontés du nom des couleurs qu’ils devaient contenir e t qui é taient toujours
rangéés dans le mêm'è ordre ': devons-nous in fé re r de là-que Te nombre des .couleurs
hié ra tique s n ’était que de sept ?
. Les palettes de peintres, qu ’on retrouve dans les tombeaux, sont ordinairement g arnies
de leurs couleurs et de lenrs pinceaux : une des plus belles et des plus complètes:
que nous ayons connues a été trouvée1 à Thèbes ; elle faisait partie à cette époque de la
collection de Passalâcqua, c’est une palette en bois d’acanthe, cle forme rectangulaire;
e t de 19 pouces 1/2 de longueur ; n ous éroyons qu’on nous saura gré d ’en avoir donné
la description détaillée, la voici : ■
« La p a rtie supérieure de cette palette est ornée d’une scène gravée en creux et qui
représente u n homme debout (un ■sCribe de Ramsès II), ad re ssan t ses hommages à
Ptah et à Thoth placés M n après l’autre devant lui. Au-dessdus de' cette scène, sont
creusés en pente sept cavités en forme de cartouches royaux, de 10 lignes de longueur,
e t qui sont encore remplies de couleurs rangées dans l’ordre suivant, en commençant
p a r le h au t : blanc, jaune , vert, bleu, rouge, b ru n foncé et noir. Plus bas est u n e cavité
contenant sept styles qui se fermait au moyen d’une planchette glissant dans u ne ra in u re ,
e t qui est placée au-dessus d ’une légende de hiéroglyphes'finement gravés, appartenant
à une légende funéraire, dont deux autres parties bordent lés deux côtés de la p alette. »
Ces sept styles, ou pinceaux longs et minces, paraissaient formés d’un jonc très-
fibreux (c’est sans doute celui dont nous avons parlé plus haut)vLes Égyptiens n ’àpplh
q u a n t dans leurs peintures que des couleurs p a r teintes plates, sans les fondre, n ’avaient
donc pas b esoin des pinceaux, que l’a r t, en s e perfectionnant, noua a ren d u indispensables,
Quand ils différaient de grosseur, ils é ta ien t plus ou moins pointus, mais ordinairement
ils avaient le même diamètre dans toute leu r longueur.
On rencontre aussi dans -les-tombeaux, des pains de couleurs .(semblables à ceux
q u ’on vend aux artistes, à notre époque), to u t prêts, à ¡être, employés ; en même temps
que des coquilles contenant de l’or, à peindre e t des petits mortiers de faïence avec,
leurs molettes pour broyer les couleurs.
Les couleurs.étaient employées à ; l ’eau mélangée de colle ou dé gommé, peut-être
de la it; mais on ne trouve aucune tra c e .d e blanc d’oeuf. Montabert, dans son Traité{
de peinture (t. IX, p. 416), p ré te n d 'q u e les couleurs qui décorent .quelques, temples
égyptiens, é taient appliquées à la chaux.
. La colle qui servait à lie r les parties colorantes, était.trèsrsolide, e t ces, peintures
en détrempe résistent si bien àd’action de l’eau, su rto u t celles ,de Beni-Haçen, les plus
anciennes* que la p lu p a rt des visiteurs ne craignent,pas de passer un e éponge s u r , les
murailles afin d’en aviver les peintures.
Plusieurs’masques de momies, peints su r bois ou su r cartonnage,, p rouvent aussi
que l’encaustique,, préparée avec la c ire et la naphte, était usitée en Égyp.te, mais on
ignore précisément à quelle époque. Quelques cartonnages exécutés sous la XVIIIe dynastie,
sont peintes avec une suavité de.tons dont aucune p e in tu re m urale n ’approche.
J’ai vu u n cercueil de femme, moulé en toile cimentée de plâtre,, en forme de gaine,
dont le visage délicat, colorié, d’un ton rosé,« é ta it encore,.après- trois mille ans, d’une
fraîcheur charmante et d o n t toutes les couleurs,,même celles des ajustements, étaient
traitées par des-teintes si harmonieuses qu ’elles, é ta ien t un vrai régal pour les yeux,
Quelquefois, les artistes égyptiens mélangeaient aux couleurs le u r vernis transparen
t e t incolore, a insi que le firent plus ta rd les Grecs*. ;-C’e s t encore à, 1 aide de ce
vernis qu ’ils faisaient les glacis (on remarque dans le tombeau d’Aïchési, su r le.palanquin
du roi, u n glacis de bleu qui passe su r u n fond jau n e en ménageant.les figures
pour les -bien détacher du reste de la composition); cependant.certains v ernis que les
Égyptiens ont également quelquefois appliqués su r leurs peintures murales, é taient
composés d’une matière résineuse qui a noirci avec le temps et gâté toutes les .couleurs
qu’elle recouvre.
Maintenant nous allons, a utant que le permet l’état actuel de nos connaissances en ce
qui les concerne, aborder, mais sans essayer de h asarder aucune, hypothèse, le difficile
problème de l’importance que le sacerdoce égyptien attachait aux impressions produites
su r l’esprit du peuple p a r l’emploi de chacune des sept couleurs dont il autorisa
it l’usage.