trois cent qua rante -un règnes pour autant de générations. Pendant cet espace de
temps, ainsi exagéré, il n ’é ta it, selon les prêtres égyptiens, arrivé aucun change*
m en t en Égypte; le cours des saisons, les productions de la te rre , les inondations
du Nil avaient été les mêmes; en u n mot,kit n ’était arrivé rien (^extraordinaire :
seulement le soleil avait changé qu a tre fois la place ^respective de ses levers et de
ses couchers. Ce phénomène, qu’Hérodote trouve to u t simple, a été considéré quelquefois
comme u n renseignement astronomique de la plus haute importance, et dont
la moindre conséquence serait de prouver que les Égyptiens étaient aussi avancés
que nous, en astronomie, douze mille ans avant notre ère, tandis qu ’il est au contra
ire le ré sulta t d u n malentendu, inévitable peut-être entre des hommes obligés
de se servir, pouf conférer, d’inte rprète s assez mal in stru its. La nature de l’année
civile usitée en Égypte expliqué sans difficulté ce ré c it extraordinaire.. Cette année,
constamment de trois cent soixante-cinq jo u rs sans intercalation, parcourt successivement
toutes les saisons, fait qu’IIérodote, peu versé dans les mystères de l’astronomie,
ne pouvait concevoir a u trem e q ||q u ’en admettant un déplacement du soleil, et
qui nous prouve incontestablement qu ’au temps d ’Hérodote les prêtres égyptiens
n assignaient pas même cinq mille ans à la durée de leu r em p ire1. Ainsi donc, su r
ce point essentiel, cet histo rien est d ’accord avec Manéthon.
« Pour Diodore, la solution du problème est plus facile : c’est tout simplement
une faute d ’orthographe. Selon cet au teu r, les dieux et les hommes avaient régné
vingt-trois mille ans en Égypte; comme il revient plusieurs fois su r ce nombre, on
ne peut avoir aucun doute su r sa pensée à cet égard. Il fait ensuite le partage de
cet espace de temps; il assigne d ix -h u it mille ans aux dieux, et u n peu moins
de quinze mille ans aux hommes. On ne s ’est pas aperçu, d’abord, que dix-huit et
quinze font tre n te -tro is , et non pas v in g t-tro is : il y avait donc dans ce calcul:
dix mille ans de trop. Ce n ’é ta it pas Diodore qui se trom p ait; c’est nous qui l ’entendions
mal. En y regardant de plus près, je vis qu ’on pouvait sans peine re tran c
h er ces dix mille ans ; il suffisait de ren d re majuscule une le ttre qui ne l’est pas
dans nos éditions; alors u n nom de nombre qui signifie dix mille, devient ce qu ’il
doit être, le nom d’un roi connu d ’ailleurs. Une myriade de trop, qui choquait to u t
a la fois la grammaire, le bon sens et la vérité historique, fait place à Myris, l’un
des noms du fondateur de ..l’empire égyptien ; et les quinze mille ans de Diodore sp
trouvent d’un tra it de plume réduits à u n peu moins de cinq mille ansl Éditeurs,
1 I S quatorze cent soixante ans, l’année égyptienne revient à son point de départ; il suffît d’admettre qu’Hérodote
soit venu en Égypte dans la quatrième période de cette espèce,.pour avoir sans difficulté les quatre change-
mens indiqués p ar les pré 1res-égyptiens. Pour en rendre raison, il ne faut que trois périodes accomplies, c’est-à-dire
quatre mille trois çenit quatre -tings ans.
traducteurs, historiens, chronologistes, tous avaient pâli su r ce passage, sans s’apercevoir
de cette énorme différence : tan t il est vrai que les esprits même les plus
judicieux se préservent difficilement des e rreu rs que le temps a consacrées. Ainsi
Diodore n ’est plus en contradiction avec lui-même, e t il se trouve aussi d ’accord
avec Manéthon.
« Nous' avons encore une au tre preuve de cette conformité. Diodore rapporte
qu’il avait trouvé dans les livres égyptiens que cette nation avait été gouvernée par
quatre cent soixante-dix princes indigènes, cinq reines e t quatre Éthiopiens, en
tout quatre cent soixante-dix-neuf règnes. C’est précisément là le nombre qui se
retrouve dans les' listes de Manéthon, les cinq femmes, les quatre Éthiopiens y sont
distingués ; il n ’y a pas u n règne de plus ni de moins. Il est difficile de trouver un
accord plus1 satisfaisant.
« Qu’on ne s’étonne pas cependant de voir, dans u n même pays, un e si longue
série de rois. Les Égyptiens avaient la prétention de ne donner la dignité suprême
qu’à des personnages illustres par les services qu ’ils avaient rendus à leu r patriej:-*
la couronne, chez eux, était donc élective; l’hérédité ne fut jamais pour eux que la
violation de leur loi fondamentale. Nous connaissons les formes de leurs élections,
les conditions nécessaires pour être éligibles, les corps de l’État qui p ren a ien t part
à cet acte important, et les devoirs imposés aux souverains pour préserver les peuples
des abus du pouvoir.
« Une si sage constitution, la précaution même de soumettre les rois après leu r
mort à un jugement sévère, ne purent; cependant préserver l ’Égypte des malheurs
communs à, toutes les sociétés humaines ; car les règnes y é taient courts e t les révolutions
fréquentes :: il paraît même que ce pays n e fui|k|ieureux au dedans et puissant
au dehors, que sous ceux de ces princ e s qui h é ritè ren t du trône e t qui jo u iren t
des droits du pouvoir absolu dans toute le u r plénitude.
« Les trois auteurs qui nous ont transmis l’histoire ancienne de rÉgypte, sont
donc d’accord sur u n point essentiel; c’est-à-dire qu ’ils a ttrib u en t tous une durée
d’un peu moins de cinq mille ans à l’empire égyptien. Cette importante vérité est
renfermée dans le récit d ’Hérodote, formellement énoncée p a r Diodore, e t elle
résulte des nombres détaillés donnés par Manéthon. Je ne prétends pas assurément
déterminer le degré de confiance que l’on doit avoir dans ce c alcul; je prétends
seulement prouver que c’est là le système chronologique qui é ta it admis chez les
Egyptiens avant e t après la destruction de leu r empire, le seul que les Grecs aient
connu et pu connaître, enfin que Manéthon nous a conservé l’ensemble de la Chronologie
égyptienne de rÉgypte.