Quant au second point, q ui repose su r u n fait tout matériel, nous n ’hési tons pas à affirmer,
mais en nous appuyant de Eautorité de Wilkinson, que les artistes égyptiens
couvraient déjà, dès les p remiers temps, la.surface du g rè sd eS ilsili, e t sans doute pour
le même motif, toutes les surfaces de p ie rre , spongieuses, d’un en d u it de composition
calcaire, qui, en même temps qu ’il empêchait la p ie rre d ’absorber plus de couleur qu’il
n’é ta it nécessaire, le u r accordait une plus grande facilité dans l'exécution des contours,
avant de- recevoir la couleur.
Les sujets sculptés, soit en relief, soit en creux, é taient sans doute aussi revêtus de
cet en d u it ; e t cela, non-?seulement afin que les détails des figures e t des au tre s objets
pussent être terminés avec p récision et délicatesse, mais encore et surtout sans déperdition
de couleur.
Ainsi lap a letted e s peintres égyptiens était fort re stre in te : Le rouge, le bleu, le jaune,
le blanc, le n oir, voilà qu ’elles é ta ien t ses couleurs principales ; le vert, qui vient presque
su r la même ligne est néanmoins plus ra rem e n t employé ; au moins d a n s l ’ancien
empire : du temps des pharaons, c’est le ro u g e ,ie bleu et le jau n e qu ’on voit employés
avec un e véritable prédilection ; tandis que dans les p e in tu re s des bas-reliefs ptolémaï-
ques, c’est généralement le bleu et le vert qui dominent^- ^
Les couleurs é taient indifféremment fabriquées avec les matières les plus diverses
tirées des trois règnes; mais au moyen de procédés qui p araissent perdus à to u t jamais,
et qui leu r donnaient u n éclat e t un e solidité qui les m a in tien t encore aujourd’hui,
après u n laps de temps incalculable, aussi solides, et aussi vives que si elles venaient
d’être appliquées ; tan t ce peuple, dans to u t ce qu ’il fit, semble n ’avoir voulu travailler
que p our l’é te rn ité !
« Il est aujourd’hui prouvé, d it Jomard, que les Égyptiens ont connu, non théoriquement
mais pratiquement, la chimie des oxydes métalliques : on sait généralement
qu ’ils formaient des couleurs solides à l’aide des métaux, prin c ip a lem en t le fer, le
cuivre et le cobalt e t peut-être l’or, l’argent, le manganèse, le plomb, le m e rcu re e |;
l ’étain ; mais on ignore comment ils composaient le u r blanc inaltérable q u i, après
trente siècles, est si éclatant, et avec quel oxyde ils prép a ra ien t le rouge b rillan t employé
dans certaines p e in tu re s ; ils savaient, en outre, im ite r l’outre-mer, e t fabriquer
le lapis-lazuli ju sq u ’à faire illusion. »
Il serait très-intéressant de savoir exactement de quelle manière les a rtiste s égyptiens
détrempaient leurs couleurs ? On a toujours p rétendu, pareeque l’Egypte produit
des mimosas qui donnent de la gomme, et qu ’il est incontestable que la gélatine y était
employée, que c ’é ta it au moyen de ces deux substances q u ’on les détrempait ; cependant
il est présumable qu’on aura , de préférence, toujours employé u n e gomme souple,
comme la gomme adràgante, ou d ’autres mucilages de même n a tu re , qui n’offraient pas
les défauts de la gélatine ou des gommes cassantes des mimosas.
Est-ce encore à leu r vernis que les couleurs égyptiennes d u re n t un e pa rtie de leu r
étonnante virtualité,? on p o u rrait le croire : car il est impossible, lorsqu’on visite le
tombeau de Séti Ier, de n e pas être frappé de l’incolorité, de la transparence des vernis.
On n ’avait pas eu l’occasion de constater ces qualités su r le ¿vernis des enveloppes de
momies, pareequ’il est devenu très-jaune et p resque opaque, p a r suite du fro ttem en t;
mais il devait ê tre également à peu près incolore au moment où il a été appliqué,.
Le phénomène de cette transparence., après un aussi long laps de temps, s’oppose,
selon nous, à ce qu’on adopte l a croyance que leu r vernis provint des ré s in es ; car on
s a it que toutes les résines, tous les corps g ras jau n issen t sans frottement avec le temps,
et que Ce résultat est d’au tan t plus rapide que les objets enduits sont placés dans des
lieu x plus obscurs.
En outre; ce vernis devait être très-visqueux, puisqu’il était, prétend-on, difficile
de l’appliquer, par épaisseurs égales, su r les caisses de momies:; -quoique, su r les peintures
murales, il paraisse assez légèrement e t assez également étendu : il est donc difficile
de décider s’il était obtenu des gélatines e t des baumes liquides, ou si c’était
simplement u n vernis n aturel ?
Maisavecquels outils les couleurs étaient-elles appliquées?l’intervention du p in c e au
nous p a ra ît tellement dans la n a tu re des choses qu’on d evrait croire q u ’elle n ’a pu échapper;
aux artistes égyptiens ; cependant on n ’en trouve pas de traces : toutes leurs p alettes
sont représentées munies seulement de petits styles de la grosseur d ’une plume de corbeau.
Ceux que nous avons retrouvés, dans les fouilles, avec les palettes, quoiqu’ils euss
en t paru indubitablement à nos devanciers être les plumes ou pinceaux dont on se s e r vait
à la fois pour écrire ou peindre, n ’ayant pu, après u n premier examen superficiel,
faire pénétrer cette conviction dans notre esprit, nous avons, p our nous en assurer, après
en avoir coupé u n à son extréruité, et l’avoir trempé dans l’eau, reconnu que ces petits
styles provenaient d’une espèce de jonc, qui, aussitôt qu’il a été mouillé, forme u n
pinceau p a r la division de ses fibres.*
Après cette découverte, il nous a été impossible de ne pas reconnaître combien il
avait été facile aux artistes égyptiens, avec des outils si simples e t si commodes, d ’exécuter
les traits des caractères qui se voient su r les papyrus e t sur les enveloppes de
momies, et de les tra c e r rapidement avec .des pleins et des déliés formés p a r une press
io n plus ou moins forte : cependant ce pinceau ne paraissait pas avoir le ressort des
nôtres ; il est vrai qu’il faut ne pas oublier qu ’il avait dû perdre toute sa souplesse par
l’altération que le temps lui avait fait subir. Ne serait-il pas à la fois inté re ssant e t utile
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