il admit que les substances alimentaires sont absorbées,
dans l’intérieur du tube intestinal, par les
veines mésaraïques, qui les transportent, et sont
chargées, suivant lui, de les convertiren sang. Cette
théorie, comme la plupart des opinions de Galien,
régna despotiquement dans les écoles jusque vers
le milieu du seizième siècle. La découverte* du
canal thoracique, faite en 1565 par Eustachio, ne
put y porter atteinte, et ce canal, superficiellement
examiné par l’illustre anatomiste italien, ne
fut considéré par lui que comme une simple veine.
En un mot, cette théorie avait jeté de si profondes
racines, qu’elle résista au premier choc de l’événement
qui devait amener sa ruine, et qu’elle sembla
même pendant quelque temps y puiser un
nouveau surcroît de vigueur.
Cet événement important est celui de la découverte
des vaisseaux chylifères. Le 23 juillet 1622,
Gaspard Aselli, professeur à Pavie , disséquait un
chien vivant en présence de quelques amis qui lui
avaient témoigné le désir de voir les nerfs récurrents.
Après avoir ouvert la cavité abdominale, il
aperçut, dans le mésentère, plusieurs cordons
grêles et blancs, qu’au premier abord il prit pour
des nerfs. Mais il ne tarda pas à revenir de son er-
reuren découvrant les nerfs eux-mêmes. Ayant alors
coupé un des plus gros cordons, sa joie fut extrême
d’en voir découler un liquide. Impatient de vérifier
et d’étendre cette découverte , il ouvrit dès le
lendemain un autre chien vivant5 mais, à sa grande
surprise, aucune trace du spectacle qui l’avait
tant frappé la veille ne s’offrit à lui. Il commençait
à se croire le jouet de quelque illusion, quand il
fut frappé de la maigreur de l’animal sur lequel il
opérait, et qui de plus était à jeun , circonstance
qu’il soupçonna pouvoir bien n’être pas étrangère
à la différence du résultat. En effet, le jour suivant,
il anatomisa un troisième chien vivant qui
venait de manger, et les cordons blancs frappèrent
de nouveau ses regards. Depuis lors, il étendit
ses recherches sur un grand nombre de mammifères
, même sur un cheval, dont il fit l’acquisition
exprès; et quoiqu’il n’eut point vu les vaisseaux
lactés chez l’homme, il ne conserva aucun doute
qu’ils n’y existassent également. Du reste, il avait
aperçu aussi les lymphatiques de la face inférieure
du foie, les-valvules dont tous ces vaisseaux
sont garnis, et les glandes disséminées dans
le mésentère. Mais l’insuffisance de ses observations,
et surtout l’habitude de suivre sans examen
les opinions consacrées par le temps,® l’empêchèrent
de tirer aucun parti de sa belle découverte,
dans laquelle il ne vit qu’un argument de plus en
faveur de la théorie galénique de l’hématose. Il
croyait donc que les vaisseaux lactés se réunissent
au milieu du pancréas, d’où ils portent leur contenu
au foie, attribuant ainsi aux lymphatiques de cette
glande une direction inverse de celle qu’ils sui