Swammerdam prétendait, non seulement que le
liquide qu’on trouve dans les vaisseaux lactés est
une lymphe blanche provenant des glandes intestinales
, et non du chyle, mais encore qu’en liant
les veines mésentériques, les ouvrant quelque
temps après, au dessous de la ligature, et examinant
le sang qu’elles contiennent, on y découvre
des stries et des points de couleur blanche,
qui ne peuvent être que des traces du chyle absorbé
dans les intestins (1). Boerhaave alléguait
la disproportion de volume entre les artères et
les veines mésentériques, et le peu ou point de
coagulabilité du sang contenu dans ces dernières,
circonstances qui lui paraissaient prouver que les
veines du mesentère sont destinées à ramener
autre chose que le sang apporté par les artères,
et qu’elles charrient en effet un liquide étranger
(s). Meckel, qui supposait les veines pourvues
d’orifices béants à la surface et dans toutes les cavités
du corps, voulait en outre que leur faculté
absorbante fût démontrée par le passage des objections,
de 1 air et del eau, des vésicules séminales
ou de la vessie dans les veines hypogastriques.
Enfin Monro s’appuyait sur la non-existence des
vaisseaux lactés chez les ovipares et dans le placenta
(3). 1 2 3
(1) Not. ad prodr. Hoornii, p. 28.
(2) Prtelect. acad.., t. 1, § 4*6.
(3) Observations anatomical and physiological, p. 57.
Ces divers arguments sont au-dessous delà critique
aujourd’hui. On est devenu trop défiant
pour juger de la nature d’un liquide par la seule
couleur de quelques stries qu’il formerait dans
un autre , et ce n’est pas sans quelque surprise
qu’on a vu des observateurs aussi distingués que
MM. Tiedemann, Gmelin et Mayer admettre encore,
de nos jours, que des lignes blanches aperçues par
eux dans la veine porte et les veines mésaraïques
étaient dues à du chyle (1). On ne suppose plus
d’ouvertures béantes aux veines, parce qu’on n’admet
que ce que l’observation démontre, et non ce
qui peut convenir aux exigences de telle pu telle
théorie. Enfin, on sait que les poissons, les reptiles
et les oiseaux ont des vaisseaux iymphatiques ;
et si quelques anatomistes doutent encore que le
placenta en pos^gde, ce n’est pas, comme on l’a vu,
faute d’avoir aperçu des cellulosités en chapelet
qui ressemblent beaucoup à ces organes, mais
sur la vraie nature desquelles ils tiennent encore
leur opinion en suspens.
Ce n’est pas une des particularités les moins curieuses
de l’histoire de la physiologie, que la nécessité
où l’on fût pendant long-temps de chercher
(1) Celte opinion surprend d'autant plus de la part deMM. Tiedemann et
Gmelin, qu’en parlant des physiologistes qui admettent la présence du ehyle
même dans le chyme, sous la forme de flocons, ils disent que cette hypothèse
est très certainement fausse, et que les prétendus flocons de chyle
qu’on a rencontrés dans l’intestin grêle ne sont, d’après leurs observations,
que des flocons de mucus'.