presque indifféremment employés par tous les botanistes pour désigner nos Equisetum
et tout ce qui pouvait y ressembler; ces deux autours n’employèrent que le
nom Equisetum ct rappelèrent celui à'Hippuris en synonymie. Enfin Linné appliqua
ce dernier à un genre de phanérogames, dont le port rappelle celui des Equisetum.
Le nom grec et le nom latin faisaient allusion à l’aspect général de la plante ; le
nom français Asprêle' se rapporte à la rudesse, à Vaspreté de ses tiges qui les rendait
redoutables aux faucheurs*, ou les faisait rechercher des ouvriers pour polir le bois,
et dos ménagères pour nettoyer les planchers et la vaisselle. Lorsque le mot aspre a
cessé de s’écrire avec uu s, VAsperelle, Asprelle, Aspresla a subi le même changement
et est devenue YApresle, VAprêle; et de même que le mot apothéque avait vu sa voyelle
initiale se transformer en article et était devenu la boutique, de même XAprcsle devint
la Presle. Cependant la plupart des dictionnaires (Boiste etc.) conservent les anciens
noms Asprcle, Apréle, qui sont encore employés en Dauphiné et en Savoie *. Toutefois
remarquons que G. Bauhin, qui rapproche et cite dans la même ligne Asprella,
Esprelle et Presle, trouve plus simple de faire venir ce dernier mot de (patSqà, net,
propre (Theat., p. 240). I l est permis de douter que nos ménagères, nos tourneurs el
nos faucheurs soient allés demander au grec le nom de la plante qui émoussait leurs
faux, polissait leur bois ou nettoyait leurs ustensiles.
Les Equiselum portent en Provence le nom do Caousaouda, Cousaodo, Coussauda,
Cassaouda, Cassauda, Cassouda (Honnorat, Dict.px'ov.). Quand on voit l’enthousiasme
avec lequel le botaniste provençal Garidel et les auteurs latins vantent les Equiselum
comme plantes vulnéraires, on est porté à faire dériver le nom provençal du latin cou-
solido, souder. Mais en remarquant que dans les noms anciens et modernes Ilip-
puris, Equiselum, Coda di caballo. Coda di mula, Ilorsc-tail, Rossschwanz, Katzeii-
wadel etc., l'idée de queue se rencontre constamment, on trouve que le nom provençal
pourrait bien avoir la même signification, et être composé de cou, eau, cowa, queue,
* « Equiselum, aliis A s p r d ïa dicitur» {Tragus, De s tirp ., p. 692; 1552). — «Equiseti genera, quam vulgo Aspre:llam
«vocant....» (Cesalpino, V e p la n t., lib. X Y Î , cap. 15; 1582). — «L’num Equiseti genus longius quod nonnulli nostræ
" ætalis lierbarii ab asperitatc quam obtinet A sp r e llam vocant. lliiic est quod matcriarii, fabri » (Fuclisius, Hist.
p. 321 ; 1542).
« Queue de c h e v a l a prins ce nom à cause que son bcrbe ressemble aucunement le poil à la queue dTm cheval.
« Aucuns nomment ceste herbe, a sp r e s le , pour sa grande aspretô et rudesse du manier, dont les ouvriers imagers,
• peigners ct autres faisant choses délicates, se servent pour polir leur ouvrage Ten frottant. I l y on a encore de deux
• espèces, l ’une plus grande que Tautre» (Olivier de Serres, Tliéa t. d ’a y r ic ., liv. V I , ch. 20, p. 5.11; 6dit. de
Genève, 1651}.
» .pantagruélion est plus abhorré ct haï des Larrons, plus leur est contraire, que la Presle aux Fauscheurs, que le
Nénufar et Nymphéa aux ribaulx Moines etc. » (Rabelais, P a n la tj., liv. 11!, ch. 49, p. 519, édit. de Lcduchat, 17.U).
* A p r é le est le nom populaire en Savoie, el M. V. Payot donne A p r e la ct A p r a ilu z comme les noms patois à Cha-
mounix [Catal. Ml B L . p. 49, 51, 53). M. Bernoulli donne S p r e U a ,A s p a r c lla ,R a s p a r e lla comme les noms populaires
en Italie [Gef. K n jp t. S c h w . , p. 76).
Ct sauda, seta; crin. Cette signification primitive du nom générique me sourirait
d’autant plus qu’on trouve dans Festus loca cauiaia pour désigner des endroils
couverts du crin des Equisetum (voir Dalechamp, éd. de Pline; Lyon 1587, lib. 20,
cap. 83 (xm).
§ 2. Propriétés et usages
On pourrait tout résumer dans cette phrase de Vaucher: «On dit, mais sans
« l’assurer, que les Prêles ne sont pas inutiles à la médecine; quoi qu’il en soit, elles
«ne servent, au moins jusqu’à présent, qu’aux ouvriers en bois et en métal» (Mon.
P r ê l, p. 336). Mais si c’était dire tout ce qu’il y a peut-être de vrai, ce ne serait pas
suffisamment faire connaître toutes les idées qui ont eu cours sur les vertus do ces
plantes.
Ingénieux à attribuer aux plantes tant de qualités merveilleuses que chaque végétal
devenait presque une panacée universelle, les anciens ne devaient pas oublier les
Equisetum. Aussi Dioscoride attribue-t-il de nombreuses vertus à ses deux Hippuris :
« 1“ Adstringit lierba ; ob quam causam sanguinis ex naribus eruptiones sistit succus
« cjus. Bibitus idem cum vino utiliter contra inteslinorum tormina, et urinara cit.
«Glutinant cruenla vulncra Irita et inspersa folia ejus; succurrit radix ct herba
«paritcr lussientibus, non nisi recta cerviee spirantibus ( 6 ( > & o 7 iv o ï '/ .o l ç ) et ruptis.
«Quin etiam intestinoriim divisioncs, vesicam dissectam et inteslinorum ramicos
«gUitinare feruntur folia cum aqua pota. 2” Altera concisa ex acelo eadem poleslate
«ïulneribus medetur» (Mat. med.,]\b. IV, cap. 44, 45).
Pline parle deux fois des Equisetum. Dans le premier passage il les nomme
€Equiselis,T> elles comprend au nombre des plantes nuisibles aux prés. «Invisa el
«Equisetis est, a similitudine equinæ selæ» (lib .XVIIl, cap. 07 (xxvn), vol. 0, p. 320,
cd. cit.). Dans le second, après avoir fait allusion à ce qu’il en avait dit d’abord, «in
«pratis vituperata nobis,» il expose les vertus de la première sorte d’Equisetum:
«Lienes cursorum exstiuguit decocta fictili novo ad terlias, quantum vas capiat, et
«per iriduum beminis pota : unctis esculentis ante diem unum interdicitur. Græco-
«rum varia circa banc opinio.» Puis il cite les vertus de la seconde, qui n’est probablement
pas un Equisetum: «Alii pinus foliis similem, nigricantem, eodem nomine
«appellant, vim ejus admirabilem tradentcs, sanguinis profluvia vel tacto tantum
«bomine sisti» (lib. X X V I , cap. 83 (xin), vol. V I I , p. 755-756, ed. cit.). Je n’ai point
à citor les merveilleuses propriétés qu'il attribue à l’autre Equisetum (le premier de
Dioscoride) « tiges grimpantes et à graines globuleuses, attendu qu’il répète encore
ce qu’en dit Dioscoride; toutefois je les énumérerai rapidement, parce que la plupart
des anciens médecins botanistes, sans recbercber si sous l’identité de nom il y avait
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