Souvent, à la place que devraient occuper des rhizomes latéraux ou des rejetons
ascendants, on voit apparaître des tubercules (pl. I , lîg. 1-4). Quelquefois un seul et
même verticille de bourgeons donne naissance à un rhizome latéral et à un ou deux
tubercules, mais le plus souvent ces derniers sont seuls et en petit nombre, comme
les rhizomes. Ces tubercules sont simplement dus à une modification dans le développement
des bourgeons qui devaient produire des tiges souterraines ou aériennes,
et dont le tissu cellulaire, au lieu de s’allonger en entre-noeuds , s’est renflé en se chargeant
de fécule. Si on arrache, au mois de mai ou de juin, des rhizomes d’E. arvense,
on y trouve ordinairement des tubercules à tous les états de développement, depuis
celui de simple bourgeon un peu gonflé, jusqu’à celui de tubercule charnu et complet.
Sur ces tubercules on retrouve un peu modifiés toutes les parties et tous les
organes qui existent sur un entre-noeud, A leur point d’émersion et d’adhérence ils
ont, comme les rhizomes, une petite gaine, que leur développement en diamètre a
forcé à s’évaser en soucoupe. Au dernierjterme de développement, la grosseur de
ces tubercules varie depuis celle d’un pois jusqu'à celle d’une petite noisette. Elle est
même beaucoup plus considérable sur YE. maximum (pl. I , fig. 4). Ils sont en général
de forme ellipsoïde, rarement subsphérique, en forme de poire sur YE. maximum,
toujours Irès-atténués à leur extrémité inférieure, ce qui fait qu’ils se détachent des
rhizomes avec une extrême facilité. Leur surface épidermique est semblable à celle
des rhizomes sur lesquels ils naissent, et, comme elle, d’abord jaune, puis mate et
feutrée, ou glabre et luisante. Ils sont dans le sens de la longueur marqués de petites
côteéàpeine prononcées, représentant celles des entre-noeuds et aboutissant, comme
elles, aux côtes d’un petit appendice en forme de couronne courte et dentelée qui
les termine constamment. Quand on examine cet appendice sur des tubercules très-
jeunes et qui sont encore d’un jaune citron, on reconnaît très-aisément qu’il n’est
qu’une gaîne à dents un peu charnues, courtes et formant une enveloppe unique à
un petit bourgeon qui en occupe le centre. Souvent ce bourgeon avorte ou demeure à
l’état expectant, et le tubercule reste isolé et terminé par un petit appendice conique;
mais souvent aussi ce bourgeon se développe en un autre tubercule, sa gaîne s’évase
en soucoupe, et le second tubercule, terminé de la même manière, donne naissance
à un troisième, et ainsi une suite de tubercules se disposent en chapelet, ayant chacun
à leur base une gaîne en soucoupe, et le dernier étant couronné par sa gaîne et
son bourgeon (pl. I , fig. i d , e). Ces tubercules ont tous la même forme et se détachent
les uns des autres aussi facilement que les plus anciens se séparent du rhizome.
Si on analyse la gaîne et le tubercule, on reconnaît que, malgré le rétrécissement
de la région où la gaîne. prend naissance, il y a là un noeud et deux verticilles
de petits bourgeons. L ’inférieur, qui doit donner des racines, les produit assez ordinairement;
mais si l ’on place dans l’eau, ou dans une terre très-humide, des tubercules
isolés ou accouplés on chapelet, au bout de quelques jours les bourgeons du
veiTicille supérieur se développent, dans l’eau et à la lumière, en petites tiges
aériennes, e t, dans la terre humide, en rhizomes grêles. C’est ainsi que ces tubercules
servent de toute façon à la propagation de l’espèce h
Il n’est pas très-rare de voir le petit bourgeon qui termine un tubercule, au lieu
de se renfler en un autre tubercule, s’allonger et se développer en entre-noeuds de
forme normale; il en résulte un rhizome secondaire, qui a pour premier entre-noeud
un tubercule (pl. I , fig. I c). Enfin, j ’ai trouvé, sur des rhizomes secondaires aussi
bien que sur des rhizomes principaux d’E. arvense, certains entre-noeuds renflés en
tubercule (pl. I , fig- 2 b).
Au moment de leur apparition, ces tubercules sont déjà entièrement solides, mais
leur structure est molle ; plus lard ils se durcissent et ofl’rent sous leur épiderme une
substance blanche, résistante et dure, d’une saveur un peu sucrée. Cette substance
attire souvent les insectes ou les rongeurs, et il n’est pas rare de les trouver à moitié
dévorés, ou ayant servi de retraite à des larves. Les tubercules si gros de l ’i i. maximum
n’offrent presque aucune trace de fécule. La profondeur à laquelle apparaissent
les tubercules est très-variable. Sur de jeunes plantes d’E. arvense provenant do semis,
j ’en ai trouvé dès le premier entre-noeud, qui étaient presque à la surface du sol.
Sur les anciennes plantes on ne les trouve ordinairement qu’à une grande profondeur.
C’est en 1712 que, pour la première fois, si je ne me trompe, les tubercules des
Equisetum furent signalés par Helwing ; Haller (1768) les mentionne sur son n» 1676
(B. arvense); il s’exprime en ces termes: «radicibus tamen glandium simile aliquid
« sæpe adhæret, quod porcos credas requirere » (Hist. stirp. Helv. I II , p. 2). Un renvoi
qui suit ce texte semble indiquer que l ’auteur n’a pas vu le fait lui-même. Or, en consultant
l’ouvrage indiqué (Helwing, Flor, quasimod., p. 31), on y trouve ce qui suit:
« LXXXVHI. Equiselum arvense, glandiferum. Hujus radicibus glandes copiose ad-
«hærent, et quam maxime in agris arenosis effodiuntur a suibus el pueris ruslicis.
«Grati et dulcis sunt saporis. Instinctu naturæ sues odoratu superficiem terræ de-
«tegunt, et tam diu lerrara evolvunt, quoad appropinquent ad glandes Nostralibus
«Erd-Nüsse dictos, quod subuici animadvertentes statim accurrunt, et pedibus por-
«cos abigentes levissimo labore núcleos suos terrestres colligunt. Maluresount circa
«témpora autumni.» Le contraste entre la rareté des tubercules dans nos contrées et
la fréquence que suppose ce passage, surprend d’abord, mais toutefois n’est pas un
motif suffisant pour refuser de croire qu’il se rapporte à l’B. arvense. Ruprechl a
.Auj! e de Breslau, dit M. J . Milde, de nombreuses plantes sont provenues de tubercules d ’E . T e lm
a te ia reçus par M. Gdppert de la Haute-Süésie» {Gef. C r y p t. S c h l., p. m ) .