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Je tentois donc, à mes propres dépens*
de m’ouvrir une voie pour me rendre en
Abissinie. Celle de la mer Rouge me pu-
roissoit la moins difficile , en me rendant
d’abord à Dsjedda , et de là à Souaquem
et à Arkiko. Je priai un négociant François
de me conduire chez des Coptes qui
faisoient le commerce de l’Inde par Suez,
et qui étoient armateurs de ces mauvaises
embarcations, avec lesquelles les
hommes et les marchandises sont transportés,
avec beaucoup de lenteurs et de
risques, au travers des rochers et des
écueils , dont les côtes de l’Arabie, que cette
espèce de bâtimens ne perd jamais dé vue,
sont hérissées. Mais il fàlloit attendre longtemps
un passage pourDsjedda.yy auvois été
vraisemblablement retenu plus long-temps
encore, avant d’y trouver l’occasion d’aborder
le rivage de l’Ethiopie. Ces réflexions
me déterminèrent à prendre la. route de la
haute Egypte, quoiqu’elle ne fût pas absolument
libre. Un parti de Mameloucks. attachés
à Ismaël bey, que Mourat venoit de
forcer à la fuite, s’y étoit retiré, et dérangeait
l’organisation, bienyicieuse sans doute,
mais quelquefois protectrice, du gouvernement
de ces contrées. D’ailleurs, les troubles,
quelque légers qu’ils fussent , y ouvroient
la porte aux pillages des Arabes; aux brigandages
des Fellahs ,* et les dangers , toujours
existans, même dans les mômens de
calme, devenoient inévitables quand l’agitation,
dont les interruptions étoient rares,
Aes tourmentoit de ses secousses.
Mais ces circonstances ne m’arrêtèrent
pas; et si le désir de visiter un pays qui
m’étoit inconnu, ne m’eût pas porté à surmonter
les difficultés^ l’ennui que j’éprouvois
au Caire auroit suffi pour me décider.'. Je
me hâtai de quitter une ville où le voyageur
étoit enfermé dans une enceinte étroite^ dont
il ne pouvoit franchir les limites sans s’exposer
, sans risquer de compromettre les
autres, et où la qualité d’Européen étoit un
brevet d’infamie, et un titre aux insultes
et aux vexations.
,J’obtins de Mourat bey des ordres, adressés
à tous les commandans de la haute Egypte;
pour qu’ils eussent à me prêter assistance
et protection. Il y joignit une lettre à Ismaïn*
Aboii-Ali, prince Arabe* très-pUissant, le
même dont les secours avoient réintégré
Mourat dans la place de Scheick el Belledi
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