Eveillés par cette furieuse secousse, nou$
fie tardâmes pas à nous appercevoir de lapo-
sition critique dans laquelle nous noirs trou,
vions. Le kanja , repoussé par des terres
coupées d’aplombet ramené vers elles par
la violence du courant, se tournoit en tou{
sens et heurtoit contre le bord, de manière
a craindre qu’il ne se brisât. L ’obscurité,dé
la nuit.,1 le bruit effroyable que les masses
séparées de la rive répandoient au loin en
tombant dans une eau profonde ,ie bouillonnement
qu'elles exciioient, et dont l’agitation
se éommuniquoit au bateau , rendoient
notre réveil très-fâcheux. , . j ; j
Il rfy a voit pas de temps à perdre; je fis
prendre à. mes compagnons des ram'ès que
l’obscurité nous empêchoit de trouver aussi
yîtc.que nous l’aurions désiré; je'sairtai-au
gouvernail, et encourageant de nèuveâux
matelots fort inexpérimentés , nous parvînmes
à nous tirer d’un ressac où nous devions
périr y car à peine eûmes-nous gagné, après
beaucbup d’efforts, le milieu du fleuve, qu’un
morceau de limon durci, d’une grandeur excessive
, s’écroula à l’endroit que npus Venions
de quitter , et nous auroit englouti
quelques minutes plus tard. . ,
Nous passâmes sur le bord opposé , où nous
amarrâmes le bateau de notre,tnieux en attendant
que le jour nous fît reconnoître le
lieu où nous étions et retrouver nos matelots
Egyptiens. Mais nous ne tardâmes pas à les
appercevoir : ne Voyant plus le bateau, ils
s’étoient jetés à la nage, et a voient,,gagné la
rive pour la suivre jusqu’à ce qu’ils en eussent
des nouvelles. L ’idée des dangers auxquels
ils, npu,s( avoient exposés étoit frop.récente
pour qu’ils n’én ressentissent pas quelqu’eflfet;
et je ne pus empêçher mes compagnons de
leur distribuer un bon nombre de coups de
ces mêmes avirons dont ils avoient été forcés
de faire un usage si désagréable. Le reis ,
qui.étoit un peu en arrière , entendant crier
les hommes de son équipage, s’enfuit à toute»
jambes, et il fut impossible de l’attraper. Le
jour donnoit, et nous mîmes à la voile pour
passer encore une fois l’endroit périlleux où
la force du courant renversoit la barrière que
les terres lui opposoient du côté de l’occident.
Devant un petit village , nous vîmes
le patron assis sur le bor4 |du fleuve^. Nous
prîmes terre pour le faire embarquer ; mais
craignant toujours d’avoir sa part d’une correction
bien méritée, il se sauva de plus belle.