il falîoit, me disoient-ils, me cacher ou me
sauver. Je ne pouvois raisonnablement scm-
gèi à aucun de ces deux partis; j’en pris un
autre tout opposé. Je résolus d’affronter le
danger, et de m’y présenter à découvert;,
pour le détourner. Je sortis sur-le-champ du
bâtiment, avec un des miens ; mon costume
empêchoit que l’on ne pût me reconnoître.
Nous traversâmes plusieurs rues. Dans toutes,
il étoit question du Franc qui avoit battu: tin
Musulman. J’arrive à la maison du Kias-
ch e fc je perce la foule , qui ne se doutoit
guère que celui dont elle s’occupoit se trou-
voit au milieti d’ elle ; enfin , je suis devant
le Riaschef. Un grand nombre de personnes
l ’entouroit. Lereis et'mes autres accusateurs
étaient en avant; et ils m’eurent bientôt
désigné au commandant. ®— C’est donc to i ,
me dit le R iaschef du ton le plus courroucé,
* V * • • * ' * a a ^ ♦ W * * * t ’ * # $ q # n ’a pas craint de porter des coups à un
fidèle Musulman?—■ Laisse-îà , lui répondis
je d’uii ton ferme , lès vaineS clameurs
de ces grossiers fella h s , que , pour l’honneur
d’un valeureux Mameloück, tu n’as
#
déjà que trop écoutés. Tu es l’esclave de
Moûrat Bey ; tu sais que je suis son ami; j’ai
de sa part les choses les plus importantes à
te
te communiquer ; écoute. Je m’approche
aussitôt; de lui, et faisant semblant de lui
parler à 1 oreille , je lui glisseylans la main
quelques sequins, que je tenois préparés dans
la mienne.
Le Riaschef} qui s’étoit un peu soulevé
de dessus ses carreaux pour m’entendre , se
remit et lança vers le reïs des regards mena-*
çans. Sais - tu , lui ditril dans une fureur
feinte ou du moins achetée , ce que c’est
qu’un Franc ? Et dp suite , il débita un
long et absurde étalage des qualités et de
la puissance des Francs| qu’il ne connoissoit
pas. Le reis voulut répliquer; mais le
R ia sch ef se leva et lui appliqua un grand
soufflet; il ordonna ensuite qu’on lui distribuât
quelques coups de bâton. Dans un
instant une foule aveugle et stupidement
façonnée au despotisme , après m’avoir regardé
comme un grand coupable, se dissipa
en exaltant la justice du Riaschef^ et en
vantant les bonnes qualités des Francs.
La corruption chez les hommes élevés
en pouvoir, témoin irrécusable de la dépravation
des moeurs, et présage assuré de la
chute des empires et de la dissolution du
corps social, passoit parmi les despotes de
Tome I I I . y