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leurs tyrans dans l'abstinence des liqueurs
fortes, mangent des lupins pour s’exciter
à boire de l’eau-de-vie, dont ils font souvent
des excès. L ’on en tire aussi de la
farine, que l’on emploie comme celle des
plantes céréales i elle est sur-tout très- propre
à nettoyer les mains et à adoucir la peau.
Les tiges du lupin, réduites en charbon,
servent, de préférence aux autres charbons,
à la préparation de la poudre à feu ; en sorte
que cette plante réunit dans ses parties plusieurs
genres d’utilité.
Le vent du .midi s’étant calmé, nous parfîmes
de Boulac le 21 mars 1778, à huit
heures du matin. Notre navigation ne fut
pas de longue durée. Le reis ayant prétexté
quelque? réparations à faire à son bateau,
nous nous arrêtâmes au vieux Caire, Masr
el A tik des Arabes, à une demi-lîeue de
Boulac. Cette ville, qui marque remplacement
de la Babyloue d’Egypte, est le port
des bateaux qui descendent du Saïd, comme
Boulac est celui du Delta. Au milieu des
mosquées des Mahométans, les Juifs y possèdent
une synagogue, et les catholiques un
couvent et nue église; mais les Coptes, comme
étant sur leur terrain, se sont réservés ce qui
passe, aux yeux des ames religieuses, pour le
plus précieux : c’est une grotte ou chapelle
basse , dans laquelle une tradition pieuse
veut que la Viergç ait demeuré quelque
temps avec l’epfant Jésus, lorsqu’ils furent
obligés de se retirer en Egypte. De pareilles
traditions ne sont jamais inutiles aux moines.
Lorsque les Latins veulent visiter cette chapelle,
ils-en payent l’entrée aux Coptes;
et si la dévotion va jusqu’à y faire célébrer
des messes, les moines Coptes sont payés
de cette complaisance par ceux du rite catholique
, et ceux-ci se fout payer, à leur
tour, par ceux qui les emploient.
L ’on voit au vieux Caire les greniers de
Joseph , si toutefois l’on peut donner le nom
de greniers à un grand terrain, entouré de
murailles de vingt pied? de hauteur, et
divisé en espèces de cours, sans voûte, ni
aucune autre couverture., dans lequel l’on
dépose les grains amenés de la haute Egypte
pour le fisc, et où ils sont la pâture d’une
multitude d’oiseaux , et le dépôt de leurs
ordures. Les murs de cette enceinte sont
d’une mauvaise construction: ils n’ont rien
qui annonce une bâtisse ancienne, et ce
n’est que l’amaur du merveilleux qui a pu
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