quoi il m’exposoit ; mais les sentimens d’humanité
entrèrent-ils jamais dans l’ame de
cafards cénobites ? Et qu’importoit à celui-ci
que je périsse ou non, pourvu qu’il conservât
son crédit et qu’il pût continuer à
l’aise, et sans témoin importun , l’exercice
de tromperies plus sérieuses ? Jsmàïn ne
laissa appercevoir aucune marque de mécontentement.,
et le Récollet n’eut pas même
la satisfaction de connaître si sa démarche
avoit produit l’effet qu’il en attendoit. Je
me réjôuissois de bon coeur du Service qu’il
m’a voit rendu malgré lu i, et j’affeetois d’être
sensible aux caresses qu’il ne me prodigua
jamais autant que depuis qu’il me trahissoit.
Enfin, le prince Arabe arriva; il campoit,
à son ordinaire , au dehors de l’enceinte de
JSéguadé. J’allai le trouver dans sa tente.
Il me reçut avec distinction , en présence
du Récollet même , qu’il laissa debout,
tandis qu’il me fit asseoir à ses côtés, comme
une marque du mépris que lui inspiroit un
vil délateur; mais il ne me parla plus de
son projet de me faire rester. Je me comportai
aussi comme s’il n’en eût jamais été
question, et je me bornai à lui demander
des marques de protection et de bienveillance,
en me facilitant les voyages que je me pro-
posois de faire dans les principaux endroits
de la Thébaïde qui me restoient à visiter.
Il fit expédier à l’instant des lettres de recommandation
, et il poussa l’attention jusqu’à
donner l’ordre à tous ses préposés de
me défrayer à ses dépens dans tous les lieux
de sa domination où je me présenterais ;
prévoyance généreuse , Vpreuve de la grandeur
d’ame de l’Arabe, et de laquelle je ne
fis point d’usage. Nous nous séparâmes très-
satisfaits l’un de l’autre ; Ismaïn , de ne
pas m’avoir pour médecin , et moi, de
n’être pas chargé d’opérer le miracle de son.
rajeunissement. :
Je me hâtai de quitter le couvent de
Néguadé, séjour d’une hypocrisie traîtresse,
non sans avoir fait sentir au,; supérieur que
l’atrocité de sa conduite m’étoit connue , et
je passai à Kous , où j’arrivai le 4 juillet,
au soir. Mallüm-Poctor 9 le même Çopte
chez qui. j’avois déjà passé une journée,
m’accueillit fort bien ; et il me procura un
logement assëz commode , dans lequel je
me proposois d’attendre le départ de la
caravane de Cosseir. Elle étoit disposée
depuis quelques jours; mais l’on avoit appris