cueil que j’avoïs reçu d’Ismaïn A b ou -A li,
et, sa volonté de me garder près de lui. Ce
projet ne faisoit pas son compte : il voyoit
avec peine qu’un autre Européen , non en-
frpqué, fût prêta jouir d’un crédit, qu’il vou-
loit se réserver à lui seul : il résolut de m’é- mefl 1
carter. Pendant que je me tourmentois l’imagination
, pour trouyer quelqu’expédient
qui me débarrassât de la trop grande faveur
d’un prince Arabe, qu’il n’entroit nullement
dans mes projets de suivre ni de servir , le
moine, qui ne cherchoit qu’à être méchant
et perfide, et qui, contre son- g ré , deve-
noit officieux à mon égard , se tourmentoit
de son côté , afin d’ôter à l’Arabe toute
envie de me garder près de lui, Nous avions
appris (\vClsmaïn approchoit ; i l s’étoit arrêté
dans le petit village de Kamoulé, à
peu de distance, au midi de Néguadé. JLe
supérieur s’y rendit en secret, et sa conversation
, qu’un Arabe, auquel j’avois rendu
quelque service'comme médecin, me rapporta
, me fut entièrement consacrée. Le
tartufe commença par se plaindre de ne que
la confiance du prince qu i, suivant lui,
devoit lui être acquise par un long et entier
dévouement, paroissoit s’affoiblir. « Il sem-
1» ble, ajoutoit-il, que l’arrivée d’un étranger
ïï m’ait nui dans ton esprit : mais, outre que
» cet étranger est d’un pays où les hommes
&
» sont impies, apprends que tu serois bien
» trompé, si, en le retenant, tu pensoisavoir
»> un médecin : il ne le fut jamais ; c’est un
j » soldat déguisé, et la médecine n’est qu’un
» masque dont il se couvre, afin d’avoir plus
» de facilité de visiter et de mieux connoître
» le pays que tu gouvernes avec tant de
»» gloire et de dignité. Les remèdes qu’il te
« donneroit, distribués par une main igno-
j » rante , pourroient t’empoisonner, au lieu
» de te guérir. Tu sais que, ton médecin
W . . -
» depuis dix années, je t’ai souvent soulagé
jj par mes médicamens : ma science m’en a
» fait, depuis peu, découvrir de nouveaux
a qui te rendront la vigueur et la santé. Je
» t’en apporte ; fais-en l’essai, et tu seras à
» portée de juger si je suis digne de ta fa-
» veur, et si je mérite la préférence sur un
j j aventurier ».
Si ce discours eût été tenu à un B e y ,
c’étoit fait de moi. Il n’y auroit point en
de supplices assez grands pour expier une
prétendue supercherie, et ma mort eût été
certaine. Le moine infâme savoit bien à
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