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tendre inutilement, je me rendis à Souhaje,
bien convaincu que le reste de ma troupe
avoit été attaqué et dépouillé par quelque
bande de voleurs, peut-être par ceux qui,
avant Tahta } nous avoient reconnus et
suivis pendant long-temps.
Souhaje, à sept lieues de Tahta > est un
grand village bâti à près d’un quart de lieue
de la rive du fleuve. Au-dessus, un large
oanal reçoit les eaux du Nil, pour les conduire
dans les campagnes vers l’occident. Le
Kiaschef&e Souhaje voulut que je soupasse
et que je couchasse chez lui. Ses politesses
ne calmèrent pas les inquiétudes dont l’idée
de là perte de mes compagnons et de mon
bagage, dans un pays où je n’avois aucune
ressource à espérer, m’agi toit cruellement.
Je sortis le lendemain, avant le jour, pour
traverser le Nil, et me rendre à Echmimm,
sur la rive orientale. J’appris, par le conducteur
du bateau de passage , que mes
compagnons et leurs chameaux y étoient
arrivés la veille , de très - bonne heure.
Les chameliers les avoient fait passer par
une autre route plus courte que celle que
j’avois prise et alongée, en m’enfonçant
trop dans les terres.
A mon arrivée à Echmimm, ville bâtie
à une bonne demi-lieue du Nil, je Courus
au couvent des moines Italiens de la Propagande
» où mes compagnons sa voient que
nous devions nous rendre. Je les trouvai à
leur tour fort inquiets sur mon compte, et
prêts à repasser le fleuve, afin de me chercher.
Ils me racontèrent la réception que les moines
leur avoient faite : elle ne pouvoit guère être
plus mauvaise, ni plus malhonnête. Ce ne
fut qu’après beaucoup de difficultés qu’on
leur permit de passer la nuit dans l’enceinte
du couvent, et on leur aVoit signifié de se
pourvoir, ainsi que moi, d’un autre lo*
gement.
L ’accueil que je reçus ne fut pas meilleur.
Lorsque j’entrai dans la cour, au milieu de
laquelle nos effets étoient jetés ,un des moines
se promenoit sur une galerie; il feignit de
né pas m’apperCevoir , et il se retira dans
une chambre. Je montai, et je vis uri jeune
hommè, une vraie poupée monacale, doüt
le teint blanc et fiais montrait que le zèle
apostolique ne l’exposoit pas souvent au
grand jour. Une petite barbe bien peignée
et étagée avec symétrie , ombrageoit son
menton sans le charger; tout annonçoit en
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