après avoir ouvert le corps, on trouva en dedans deux petits daintiers
gros comme des noifettes, & nous vîmes clairement-qu’il n’avoit
point donné au rut comme les autres, & nous eflimames que même
H n’y avoit jamais donné. On fait que pendant ies mois de juin,
juillet & août, les cerfs font prodigieüfement chargés de fuif, &
qu’au i J feptembre ils pi fient ce fuif, en forte qu’il ne leur refte
que de la chair; celui dont je parle avoit confervé tout fon fuif,
par la raifon qu’il n’étoit point en état de ruter. Ce cerf avoit un
autre défaut qué nous obfervames en lui levant les pieds, il lui
manqüoit dans le pied droit l’os du dedans du pied, & cet os qui
fe trouvoit dans le pied gauche étoit long d’un demi-pouce, pointu
& gros comme un cure-dent.
II eft notoire qu’un cerf que l’on coupe quand il n’a pas fa tête,
elle ne repouflë plus; on fait auffi que lorfque l’on coupe un cerf
qui a fa tête dans fa perfection il la conferve toujours. Or il paraît
ici que les très-petites parties de la génération de l’animal dont je
viens de parler, ont fuffi pour lui faire changer de tête, mais que la
Nature a toujours été tardive dans fes opérations pour la conformation
naturelle de cet animal, car nous n’avons trouvé aucune trace
d’accidens qui puifle faire croire que ce même ordre de la Nature
ait pu être dérangé ; en forte qu’on peut dire, avec grande raifon,
que ce retardement ne vient que du peu de facultés des parties de
la génération dans cet animal, lefquelles étoient néanmoins fuffifantes
pour produire la chute & la renaiflance de la tête, puifque les
meules nous indiquoient qu’il avoit eu fa tête de daguet, fa fécondé
tête, fa troifième, la quatrième & dix cors jeiinement au temps où
nous l’avons pris.
Cette obfervation de M. le marquis d’Amezaga,
femble prouver encore mieux que toutes les obferva-
tions qu’on avoit fait précédemment,' que la chute & le
renouvellement de la tête des cerfs, dépendent en totalité
de la préfence des daintiers ou telticules, & en partie
de
de leur état plus ou moins complet; car ici les telticules
étant, pour ainfi dire, imparfaits & beaucoup trop petits,
la tête étoit par cette raifon plus long - temps à fe
former & tomboit auffi beaucoup plus tard que dans
les autres cerfs.
Nous avons donné / volume X I , pages 4.02 Ix fuiv.)
une indication alfez détaillée au fujet d’une race particulière
de cerf, connu fous le nom de cerf noir ou c e f
des Ardennes; mais nous ignorions que cette race eût
des variétés. Feu M. Colinfon, m’a écrit que le roi
d’Angleterre, Jacques I,er, avoit fait venir plufieurs cerfs
noirs ou du moins très-bruns, de différens pays, mais
fur-tout du Holltein , de Danemarck & de Norwège, &
il m’obferve en même temps que ces cerfs font différens
de celui que j ’ai décrit dans mon Ouvrage.
Ils ont, dit-il, des empaumures larges & aplaties à leurs bois
comme les daims. Ce qui n’eft pas dans celui des Ardennes. II
ajoute, que le roi Jacques avoit fait mettre plufieurs de ces cerfs
dans deux forêts voiftnes de Londres, .& qu’il en avoit envoyé
quelques autres en Ecofle, d’où ils fe font répandus dans plufieurs
endroits; pendant l’hiver ils paroiflent noirs & ont le poil hérifle.,
l’été ils font bruns & ont le poil lifie, mais ils ne font pas fi bons
à manger que les cerfs ordinaires (a).
Pontoppidan , en parlant des cerfs de Norwège, dit :
qu’il ne s’en trouve que dans les diocèfes de Berghen & de Dron-
thein, c’eft-à-dire, dans la partie occidentale du royaume, & que
ces animaux traverfent quelquefois en troupes les canaux qui font
(a) Extrait de deux lettres de M. Colinfon à M, de Buffon, en date des
30 décembre 1764 & 6 février 1765.
Supplément. Tome III. Q