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cette prodigieufe multiplication efl d’autant plus étonnante,
que les Indiens mangent beaucoup de chevaux, &
qu’ils les ménagent fi peu pour le forvice & le travail,
qu’il en meurt un très - grand nombre par excès de
fatigue fTL Les chevaux que les Européens ont transportés
dans les parties les plus orientales de notre
continent, comme aux îles Philippines y ont auffi pro-
digieufoment multiplié (n ).
En Ukraine (n), & chez les Cofàques du D o n , les
Chevaux vivent errans dans les campagnes. Dans le grand
efpace de terre compris entre le Don & le Niepper,
efpace très - mal peuplé, les chevaux font en troupes
de trois, quatre ou cinq cents, toujours fans abri, même
dans la faifon où la terre efl couverte de neige; ils
détournent cette neige avec le pied de devant pour
chercher & manger l ’herbe qu’elle recouvre. Deux ou
trois hommes à cheval ont le foin de conduire ces troupes
de chevaux ou plutôt de les garder, car on les laide errer
dans la campagne, & ce n’efl que dans les temps des
(l) Voyage de Frezier dans îa
mer du Sud, &c. page 6y in-j-°
Paris, 1 7 3 2 .
(m) Voyage deGemelii Careri,
tome P , page 16 2 ,
(n) Dans i’Ukraine il y a des
chevaux qui vont par troupes de
cinquante ou foixante, iis ne font
pas capables de lèrvice, mais ils
font bons à manger ; leur chair eft
agréable à voir & plus tendre que
celle du veau, & le peuple la
mange avec du poivre. Les vieux
chevaux n’étant point faits pour
être dreffés, font engrailfés pour
la boucherie, où-on les vend chez
les Tartares au prix du boeuf & du
mouton. Defcription. de l'Ukraine,
par Beauplan,
hivers les plus rudes qu’on cherche à les loger pour
quelques jours dans les villages qui font fort éloignés les
uns des autres dans ce pays. On a fait fur ces troupes
de chevaux abandonnés pour ainfi dire à eux-mêmes,
quelques obforvations qui femblent prouver que les
hommes ne font pas les feuls qui vivent en fociété, &
qui obéiffent de concert au commandement de quelqu’un
d’entr’eux. Chacune de ces troupes de chevaux
a un cheval-chef qui la commande, qui la guide, qui
la tourne & range quand il faut marcher ou s’arrêter; ce
chef commande auffi l ’ordre & les mouvemens nécef-
jaires lorfque la troupe eft attaquée par les voleurs ou
par les loups. C e chef efl très-vigilant & toujours alerte ;
il fait fouvent le tour de fa troupe, & fl quelqu’un de
fes chevaux fort du rang ou refie en arrière, il court à
lui, le frappe d’un coup d’épaule & lui fait prendre là
place. Ces animaux, fans être montés ni conduits par
les hommes, marchent en ordre à peu-près comme
notre cavalerie. Quoiqu’ils foient en pleine liberté, ils
paillent en files & par brigades, & forment différentes
compagnies fans fe fëparer ni fe mêler. A u refie, le
cheval - chef occupe ce polie encore plus fatigant
qu’important, pendant quatre ou cinq ans; & lorfqu’il
commence à devenir moins fort & moins aétif, un
autre cheval ambitieux de commander, & qui s’en font
la force, fort de la troupe, attaque le vieux chef qui
garde fon commandement s’il n’efl pas vaincu, mais qui
rentre avec honte dans le gros de la troupe s’il a été