34 Supplément à l’Histoire
peut donc & doit tout tenter, il ne lui faut que du temps
pour tout lavoir. Il pourroit meme en multipliant les
obfervations, voir & prévoir tous les phénomènes, tous
les évènemens de la Nature avec autant de vérité & de
certitude, que s’il les déduiloit immédiatement des caulès,
& quel enthoufiafme plus pardonnable ou même plus
noble que celui de croire l ’homme capable de recon-
noître toutes les puiffances, & découvrir par lès travaux
tous les lècrets de la Nature !
Ces travaux confident principalement en obfervations
luivies fur les différens fujets qu’on veut approfondir,
& en expériences railonnées, dont le fiicces nous ap-
prendroit de nouvelles vérités; par exemple, I union des
animaux d’efpèces différentes, par laquelle feule on peut
reconnoître leur parenté, n’a pas etfe aflèz tentee. Les
faits que nous avons pu recueillir au lùjet de cette union
volontaire ou forcée, lè réduilènt a fi peu de choie, que
nous ne lommes pas en état de prononcer lùr I exiftence
réelle des jumarts.
On a donné ce nom jumart, d’abord aux animaux
mulets ou métis, qu’on a prétendu provenir du taureau
& de la jument, mais on a aulfi appelé jumart le produit
réel ou prétendu de l’âne & de la vache. L e D . r Shaw,
dit, que dans les provinces de Tunis & d’A lg e r :
II y a une efpèce de mulet nommé Kitmrach-, qui vient d ura
âne & d’une vache, que c’eft une bête de charge, petite a la vérité,
mais de fort grand nfage; que ceux qu’il a vus, navoient qu une
corne au pied comme l’âne , mais qu’ils étoient fort différens à
d e s A nimaux q u a d r u p è d e s . 35
tous égards, ayant le poil Iiffe, & la queue & la tête de vache,
excepté qu’ils navoient point de cornes (h):
Voilà donc déjà deux fortes de jumarts, le premier
qu’on dit provenir du taureau & de la jument, & le
fécond de l’âne & de la vache. Et il eft encore quellion
d’un troifième jumart, qu’on prétend provenir du taureau
& de l’ânelfe. Il eft dit dans le voyage de Mérolle, que
dans l’île de C o r lè ,
II y avoit un animal, portant les bagages, qui provient du taureau
& de I’ânelîe, & que pour fe le procurer on couvre I’âneffe avec
une peau de vache fraîche afin-de tromper le taureau ('/J.
Mais je doute également de l’exiftence réelle de ces
trois fortes de jumarts, fans cependant vouloir la nier
abfolument. Je vais même citer quelques faits particuliers,
qui prouvent la réalité d’un amour mutuel & d’un
accouplement réel entre des animaux d’efpèces fort différentes
, mais dont néanmoins il n’a rien réfulté. Rien
ne paroît plus éloigné de l ’aimable caraétère du chien
que le gros inftinéf brut du cochon, & la forme du
corps dans ces deux animaux eft aulfi differente que leur
naturel ; cependant j ’ai deux exemples d’un amour violent
entre le chien & la truie; cette année même 1 7 7 4 , dans
le courant de l’été, un chien épagneul de la plus grande
taille, voifin de l’habitation d’une truie en chaleur, parut
la prendre en grande palfion ; on les enferma enfemble
(h) Voyage du D.' Shaw en Afrique , tome l . ‘r, page 308.
(i) Voyage de Mérolle au Congo, en 1682.
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