point excufer ma prolixité^ bien fâché même de n’en favoir pas-'
plus fur ies rouiTettes, pour avoir à vous en dire davantage. Les
preuves ne peuvent être trop multipliées (me femble) quand il
s’agit "de combattre des erreurs accréditées depuis long-temps.
L ’on diroit que l ’on n’a vu ces animaux qu’avec les yeux de
l ’effroi; on les a trouvés laids, monftrueux,& fans autre examen
que la première infpeétion de leur figure on leur a fait des moeurs,
un caraélère & des habitudes qu’ils n’ont point du tout, comme fi
la méchanceté, la férocité, la mal-propreté étoient inféparables de
la laideur.
M. de la Nux obferve que dans ma defcription,
page j 7 , le volume de la rouflette eft exagéré, ainfi que
le nombre de ces animaux, que leur cri n'a rien d ’épouvantable
; il ajoute, qu’un homme ouvrant la bouche &
rétréciflant le paflage de la voix en afjrirant & refpirant
focceflivement avec force, donne à peu-près le fon rauque
du cri d’une rouflette, & que cela n’eft pas fort effrayant.
II dit encore, que quand ces animaux font tranquilles
for un grand arbre, ils ont un gazouillement de fociété
léger, & qui n’eft point déplaçant.
Page 6 1 . Pline a eu raifon, d it - il, de traiter de fabuleux le
récit d’Hérodote; les rouffettes, les rougettes, au moins dans ces
îles, ne le jettent point fur les hommes; elles les fuient bien loin
de les attaquer. Elles mordent & mordent très-dur, mais c’efi à
leur corps défendant, quand elles font abattues, fort par le court-
bâton , foit par le coup de fu fil, ou prifes dans des filets'; & quiconque
en eft mordu ou égratigné, n’a qu a s’en prendre à fa
mal-adrelfe & non à une férocité que l’animal n’a point.
Page 6 2 , notes a , b, c. L e volume des rouffettes eft ici plus
approchant du vrai. . . . Les chauve-fouris volent en plein jour dans
le Malabar. Cela eft vrai des rouffettes & non des rougettes. Les
autres volent en plein jour : cela veut feulement dire qu’on en
voit voler de temps à autre dans le cours du jour; mais une à
une & point en troupes. Alors elles volent très-haut & affez pour
que leur ampleur paroiffe moindre de plus de moitié. Elles vont
fort loin & à tire-d’aile's, & je crois très-pofiible quelles traverfent
de cette île de Bourbon à i’île de France en affez peu de temps
(la diftance eft au moins de trente lieues). Elles ne planent pas
comme l’oifeau de proie, comme la frégate, &c. mais dans cette
grande élévation au-deffus de la furface de la terre, de cent
peut-être deux cents toifes & plus, le mouvement de leurs bras
eft lent; il eft prompt quand elles volent bas, & d’autant plus
prompt qu’elles font plus proches de terre.
A parler exactement, la rouffette ne vit pas en fociété ; le hefoin
d’alimens, la pâture les réunifient en troupes, en compagnies plus
ou moins nombreufes. Ces compagnies fe forment fortuitement fur
les arbres de hautes futaies , ou chargés ou à proximité des fleurs ou
des fruits qui leur conviennent. On voit les rouffettes y arriver
fucceflivement, fe prendre par les griffes de leurs pattes de derrière
& relier là tranquilles fort long - temps, fi rien ne les effarouche ; il
y e n a cependant toujours quelques-unes, de temps en temps, qui
fe détachent & font compagnie. Mais qu’un oifeau de proie paffe
au-deffus de l ’arbre, que le tonnerre vienne à éclater, qu’il fe tire
un coup de fufil ou fur elles ou dans le canton, ou que déjà
pourchaffées & effarouchées, elles entrevoient au-deffous d’elles
quelqu’un, foit chaffeur ou autre, elles s’envolent toutes à.la fois,
ék ceft pour lors qu on voit en plein jour de ces compagnies, q u i,
quoique bien fournies, n’obfcurciffent point l ’air ; elles ne peuvent
voler affez ferrées pour cela; l’expreflion eft au moins hyperbolique.
Mais dire, on voit fu r les arbres une infinité de grandes chauve-fouris
qui pendent attachées les unes aux autres fu r les arbres, c’eft dire
affez mal une fauffeté, ou du moins une abfurdité. Les rouffettes
font trop hargneufes pour fe tenir ainfi par la main; & en confi-
dérant leur forme on reconnoît aifément I’impoflibilité d’une pareille