Il y a trente-un ans qu’on a tranfporté de Savoie ici, deux ours
bruns.fort jeunes, dont la femelle vit encore; le mâle eut les reins
cafTés, il y a deux mois, en tombant du haut d’un arbre qui eil
dans la fo/Te. Ils ont commencé d’engendrer à l’âge de cinq ans,
& depuis ce temps ils font entrés en chaleur tous les ans au mois
de juin, & la femelle a toujours mis bas au commencement de
janvier; la première fois elle n’a produit qu’un petit, & dans la
fuite tantôt un, tantôt deux, tantôt trois, mais jamais plus, & les
trois dernières années elle n’a fait qu’un petit chaque fois; l’homme
qui en a foin, croit qu’elle porte encore actuellement (17oélobre
1 7 7 1 ) . Les petits en venant au' monde, font d’une affez jolie
figure, couleur fauve avec du blanc autour du cou, & n’ont
point 1 air d’un ours ; la mère en a un foin extrême. Ils ont les
yeux fermés pendant quatre femaines; ils n’ont d’abord guère plus
de huit pouces de longueur, & trois mois après ils ont déjà quatorze
â quinze pouces, depuis le bout du mufeau jufqu a la racine de la
queue, & du poil de près d’un pouce. Iis font alors d’une figure
prefque ronde, & le mufeau paraît être fort pointu à proportion
du relie, de façon qu’on ne les reçonnoît plus; enfuite ils deviennent
fluets pendant qu’ils font adultes, le blanc s’efface peu-à-peu, & de
fauves ils deviennent bruns.
Lorfque le mâle & la femelle font accouplés, le mâle commence
par des mouvemens courts, mais fort prompts, pendant environ
un quart de minute, enfuite il fe repofe deux fois aufîi long-temps
fur la femelle & fans s’en dégager, puis il recommence de la même
manière jufqu’à trois ou quatre reprifes, & l’accouplement étant
confommé, le mâle va fe baigner dans l’auge jufqu’au cou. Les
ours fe battent quelquefois affez rudement avec un murmure
horrible; mais dans le temps des amours, la femelle a ordinairement
le deffus, parce qu’alors le mâle la ménage. Les foffes qui
étoient autrefois dans la ville ont été comblées, & on en a fait
d autres entre les remparts & la vieille enceinte. Ces deux ours
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ayant été féparés pendant quelques heures pour les tranfporter l’un
après l’autre dans les nouvelles foffes, Iorfqu’iis fe font retrouvés
enfemble ils fe font dreffés debout pour s’embraffer avec tranfport.
Après la mort du mâle, la femelle a paru fort affligée, & n’a pas
voulu prendre de nourriture, qu’au bout de plulieurs jours ; mais
à moins que ces animaux ne foient élevés & nourris enfemble dès
leur tendre jeuneffe , ils ne peuvent fe fupporter, & lorfqu’ils
y ont été habitués, celui qui furvit ne veut plus en fouffrir
d’autres.
Les arbres que l’on met dans les foffes tous les ans au mois de
mai, font des mélèzes verds, fur lefquels les ours fe plaifent à
grimper; néanmoins ils en caffent quelquefois les branches, fur-
tout lorfque ces arbres font nouvellement plantés. On les nourrit
avec du pain de feigle que l’on coupe en gros morceaux, & que
l’on trempe dans de l’eau chaude. Ils mangenttauff de toutes fortes
de fruits, & quand les payfans en apportent au marché qui ne font
pas mûrs, les archers les jettent aux ours par ordre de police.
Cependant on a remarqué qu’il y a des ours qui préfèrent les
légumes aux fruits des arbres. Quand la femelle eft fur le point de
mettre bas, on lui donne force paille dans fa loge, dont elle fe
fait un rempart, après qu’on la feparee du male de peur qu il ne
mange les petits, & quand elle a mis bas on lui donne une meilleure
nourriture qu’à l’ordinaire. On ne trouve jamais rien de l’enveloppe,
ce qui fait juger qu’elle l’avale. On lui iaiffe les petits pendant
dix femaines, & après les en avoir féparés, on les nourrit pendant
quelque temps avec du lait & des bifcuits.
| ] /ours en quellion que l’on croyoit pleine, fut munie de paille
comme à l’ordinaire dans le temps que l’on croyoit quelle alloit
mettre bas; elle s’en fit un lit où elle reila pendant trois femaines
fans avoir rien produit. Elle a mis bas à trente-un ans au mois
de janvier 1771 , pour la dernière fois; au mois de juin fuivant
elle s’efl encore accouplée, mais au mois de janvier 1772., à