peut fe fervir utilement dans le pays qU’il habite, où il eft vraf-
femblablement expofé fouvent aux attaques des bêtes carnaflîères.
Sa tête eft fort large & plate par-devant; elle fe termine en un
ample boutoir., d’un diamètre prefque égal à la largeur de la tête,
& d’une dureté qui approche de celle de la corne ; il s’en fert comme
nos cochons pour creufer la terre ; fes yeux font petits & placés
fur le devant de la tête, de façon qu’il ne peut guère voir de côté ,
mais feulement devant foi; ils font moins diftans l ’un de l ’autre &
des oreilles que dans le fanglier Européen : au-delTous eft un enfoncement
de la peau qui forme une efpèce de fac très-ridé ; fes oreilles
font fort garnies de poil en dedans. U n peu plus bas, prefque à
côté des y eu x , la peau s’élève & forme deux excroiflances q u i, vues
d’une certaine diftance, relfemblent tout - à - fait à deux oreilles;
elles en ont la figure & la grandeur, & fans être fort mobiles, elles
forment prefque un même plan avec le devant de la tête ; au-deffous,
entre ces excroiflances & les défènfes, il y a une grofle verrue à
chaque côté de la tête: on comprend aifément qu’une telle configuration
doit donner à cet animal une phyfionomie très-fingulière.
Quand on le regarde de front, on croit voir quatre oreilles, fur
une tête qui ne reflemble à celle d’aucun autre animal connu,
& qui infpire de la crainte par la grandeur de ces défenfes. M .'!
Pallas (d ) 8c Vofmaèr (e) , qui nous en ont donné une bonne
defcription, difent, qu’il étoit fort doux 8c très-apprivoifé quand
il arriva en Hollande; comme il avoit été plufieurs mois fur un
vaifleau, & qu’il avoit été pris affez jeune, il étoit prefque devenu
domeftique ; cependant fi on le pourfûivoit, 8c s’il ne connoifloit
pas les gens, il fe retiroit lentement en arrière, en préfentant le
front d’un air menaçant, & ceux-là même qu’il voyoit tous les
jours dévoient s’en défier. L ’homme à qui la garde en étoit confiée
(d.) Voyez P . S. Mifiellanea •çpologïça; & ejufdem Spicilegia çoologica.
Fafciculus fecundus,
(e) Voyez Befchryving van een Africaaufch Breedfnentîg Varken, door
A . Voûnaër.
en a
Ê11 a lait une trille expérience : cet animal fe mit un jour de mauyaife
humeur contre lu i, & d’un coup de fes défenfes, il lui fit üne
large bleflùre à la cuiflë, dont il mourut le lendemain. Pour prévenir
de pareils accidens dans la fuite, on fut obligé de l’ôter de
la ménagerie, & de le tenir dans un endroit renfermé, où perfonne
ne pouvoit en approcher. Il eft mort au bout d’une année, & fa
dépouille fe voit dans le cabinet d’Hiftoire Naturelle du prince
d’Orange. Celui qui l ’a remplacé, & qui eft aéluellement dans la
même ménagerie, eft encore fort jeune, fes défenfes n’ont guère
plus de deux pouces de longueur. Quand on le laifle fortir du
lieu, où on le renferme, il témoigne fa joie par des bonds & des
fauts, & en' courant avec beaucoup plus d’agilité que nos cochons;
il tient, alors fa q u e u e élevée 8r fo r t droite. C ’eft pour cela fans
doute que les habitans du C a p , lui ont donné le nom de Harrfooper,
ou de coureur.
O n ne peut pas douter que cet animal ne faffe un genre très-
diftinél de ceux qui ont été connus jufqu’à préfent, dans la race des
cochons: quoiqu’il leur reflemble par le corps, le 'défaut de dents
incifives, & la fingulière configuration de fa tête, font des caractères
diftinélifs trop marqués pour qu’on puifle les attribuer aux chan-
gemens opérés par le climat, & cela d’autant plus qu’il y a en
Afrique des cochons qui ne diffèrent en rien des nôtres, que par
la taille qui eft plus petite. C e qui confirme ce que je dis ic i, c’eft
qu’il ne paroît pas qu’il puifle multiplier avec nos cochons. D u
moins a-t-on lieu de le préfumer par l’expérience qu’on en a faite.
O n lui donna une truie de Guinée; après qu’il l’eut flairée pendant
quelque temps, il la pourfuivit jufqu’à ce qu’il la tint dans un endroit
d’où elle ne pouvoit pas s’échapper, & là il l ’éventra d’un coup
de dents. Il ne fit pas meilleur accueil à une truie ordinaire'qu’on
lui préfenta quelque temps après; il la maltraita fi fort, qu’il fallut
bientôt la retirer pour lui fauver la vie.
II eft étonnant que cet animal, qui, comme je l’ai remarqué,
Supplément. Tome III . M